Trouver une source ou guérir les autres : chimères ou facultés réelles ? Des hypothèses existent mais rien n’est prouvé. Les résultats des guérisseurs, variant d'un praticien, d'une pathologie et d'un patient à l'autre, sont très difficiles à mesurer. Ils sont néanmoins souvent sollicités, y compris par des hôpitaux. Source : Ça m’intéresse n° 406 – décembre 2014
A 2 rn d’un passage d’eau souterrain, une raideur s’installe dans mes poignets et je sens un fluide glacial au creux des paumes. Au-dessus d’une veine d’eau, je ne peux plus tenir la baguette qui s’abaisse », confie Michel Hennique, sourcier (Sources et sourciers, éd. Exergues). Dans les années 1980, le Pr. Yves Rocard, physicien, père de la bombe H française, émettait l’hypothèse que des différences de pression lors du passage de l’eau dans certains milieux souterrains créaient des potentiels électromagnétiques. Il supposait que l’organisme humain possède la sensibilité, variable selon les individus, de détecter ces champs En 1983, le biologiste anglais Robin Baker détectait la présence d’infimes cristaux ferromagnétiques dans le corps humain, qui pourraient expliquer cette sensibilité.
Hypothèse : ces cristaux seraient associés à un taux de fer élevé dans le sang. Mais rien n’est prouvé. Des tests sanguins l’auraient confirmé chez Michel Hennique, et ses examens neurologiques auraient montré un état de concentration extrême associé à une baisse de son rythme cardiaque et de sa pression artérielle, reflétant probablement un état modifié de conscience. Un état qui favoriserait l’intuition, «une seconde intelligence qui sommeille en nous», décrit-il. Mais ses connaissances en géologie sont aussi un allié précieux. «Au début, je travaillais juste avec l’instinct, mon taux de réussite était de 60-65 %. Puis j’ai acquis des connaissances en géologie, comme savoir lire une carte, décrypter un paysage, découvrir les failles, les reliefs, la nature des pierres de surface, et mes résultats ont grimpé, jusqu’à 98% aujourd’hui.» Ce taux de réussite variant d’un sourcier à l’autre, d’un site à l’autre, difficile d’évaluer et d’objectiver l’efficacité de la pratique. Ce qui n’empêche pas les entreprises de forage, et même les collectivités, de solliciter leurs services.
Gendarmes, policiers, pompiers font parfois appel aux radiesthésistes.
Ce qui fonctionne pour l’eau fonctionne-t-il pour des objets ou des personnes ? La radiesthésie, dont la sourcellerie n’est qu’un aspect, est «un ensemble de procédés spéciaux qui permettent de trouver ce qui est caché, enfoui, mêlé, inaccessible, impondérable ou imperceptible par d’autres voies», selon le Syndicat national des radiesthésistes. Hydrologie, archéologie, géobiologie, agriculture, psychologie, soins, recherche de personnes, les applications sont nombreuses «Le monde vibratoire qui nous entoure est très fort. Chaque radiesthésiste vibre sur un mode différent et, selon sa sensibilité, va ressentir ces vibrations infimes avec l’aide du pendule qui sert d’amplificateur», assure Sylvie Legros, présidente du Syndicat national des radiesthésistes. «J’utilise le pendule en posant des questions, explique Michel Hennique. Il a trois types de réponses : oui, quand il tourne dans le sens des aiguilles d’une montre, non, dans le sens inverse, ou latéralement pour indiquer une direction.» (1)
Il agirait même à distance ! Si les sourciers trouvent des sources à partir d’une carte, des radiesthésistes cherchent des personnes disparues. Particuliers, gendarmes, policiers et pompiers font parfois appel à eux en toute discrétion. Comment cela fonctionne-t-il?
« Au départ, on passe une convention mentale avec soi-même, qui agit au niveau du subconscient. Je me dis : « je désire être sensible à la présence de X, disparu à tel endroit, tel jour », décrit Michel Hennique. Puis je me concentre sur sa photo. Je pars d’un point précis, le dernier lieu où la personne a été vue. Le pendule se dirige sur la carte, au fur et à mesure de mes questions.» Selon Michel Hennique, le taux de réussite atteint rarement 20 %. Mieux que rien... Et si, en France, le recours à cette méthode n’est jamais officiel, aux Etats-Unis, la police sollicite souvent des medium détectives, comme la célèbre Allison DuBois, qui a inspiré la série Medium. En 1993, selon une enquête du ministère de l’Intérieur américain, un tiers des services de police des 50 plus grandes villes des Etats-Unis avait déjà fait appel à leurs services.
Très à la mode au XIXe siècle, au moment où la physique découvrait le magnétisme, toutes ces pratiques ont longtemps été associées à la présence d’un « fluide magnétique ». Ainsi, on baptisa les guérisseurs « magnétiseurs». Douleurs, eczémas, zonas, brûlures : ils sont encore très sollicités, même si leurs résultats sont difficilement mesurables « En Auvergne, des médecins généralistes continuent à envoyer des patients vers des coupeurs de feu et des magnétiseurs, sans comprendre comment ça marche. Ils l’acceptent au nom du soulagement de leur patient», observe l’anthropologue Clémentine Raineau (Clémentine au pays des guérisseurs, éd. Des Monts d’Auvergne).
L’efficacité est variable, mais les coupeurs de feu semblent avoir de très bons résultats. 82% des patients brûlés croient en leur efficacité, selon une thèse réalisée en Haute-Savoie en 2002 Effet placebo ? « Ce serait une part de suggestion, d’auto-soin qui déclencherait un processus de guérison interne », suggère Clémentine Raineau.
Des thérapies non reconnues apportent du bien-être aux malades.
Lorsqu’il pratique un soin, Bernard Blancan (2), guérisseur, ressent «une sensation de fourmillements dans la main et sur la tête. J’ai alors l’impression d’être connecté à quelque chose qui me permet d’agir ». Comment l’expliquer ? La science reste quasi muette sur le sujet. Une étude du Dr John Zimmerman (Denver, Etats-Unis), dans les années 1980, a mesuré le champ pulsé biomagnétique émanant des mains de praticiens, grâce à un magnétomètre à Squid (Superconducting Quantum Interférence Device). Il a mesuré une petite activité moyenne de 7-8 hertz (quasi nulle chez d’autres sujets), sans expliquer le moyen d’action. Pour Bernard Blancan, «la conviction joue un rôle important. Ce n’est pas que psychologique, c’est une influence de la pensée sur le vivant», explique l’auteur de Si j’étais guérisseur (éd. Eyrolles).
Après avoir été soigné par un guérisseur, cet autodidacte plutôt sceptique a multiplié les tests pour mieux comprendre sa pratique. Il utilise aussi des prières pour conjurer les maux : « Sans être forcément religieux, je pense que les mots religieux, quels qu’ils soient et dans toutes les cultures, sont très chargés positivement.» L’information véhiculée par les mots engendrerait l’efficacité symbolique de la parole et de la croyance. (3)
«La maladie est un mystère, la médecine aussi, analyse le Dr Sauveur Boukris, généraliste (Enfin guérir, lorsque la médecine classique ne suffit plus, éd. Cherche Midi). Il existe des thérapies non encore reconnues et qui marchent. Elles soulagent, elles apportent un bien-être aux malades C’est là l’essentiel.»
Plus difficile à expliquer, les soins à distance.
Comment un guérisseur peut-il agir, parfois plus efficacement selon ses dires, sur un symptôme à partir d’une photo ou par téléphone ? Mystère. La «théorie » de Bernard Blancan: «Je pense que, depuis le big bang, il reste quelque chose d’impalpable qui met en lien toute chose, toute la matière de l’Univers Il y a traditionnellement un monde subtil dont on ne peut pas imaginer la forme, sur lequel on peut agir, même à distance.» Une image qui résonne à nouveau avec le concept de non-localité en physique quantique. (4)
L’amour permet-il de guérir ?
Patricia Serin, psychologue et thérapeute.
Il ne faut jamais séparer le corps et l'esprit : dans un soin, l'énergie, la position des mains, la parole, la présence, le regard, etc., touchent la personne psychologiquement, émotionnellement et physiquement.
Étymologiquement, "placebo" veut dire "je plais". S'il n'y a pas de médicament, on peut aussi considérer que le placebo est une façon de plaire et d'aider les patients à se plaire, à se faire du bien, de trouver leurs propres ressources. Évidemment c'est une forme de placebo. C'est un processus primaire inconscient, tout à fait irrationnel, et pourtant il appartient à cette réalité psychique. Le thérapeute est un révélateur, un passeur, comme un accoucheur. (5) Dans un travail avec un thérapeute, la personne en souffrance éprouve un mieux-être grâce à un transfert. La très grande majorité des gens font un transfert positif avec le médecin, le psychologue...(6)
Ce transfert positif chez le patient, c'est la confiance et la bienveillance qu'il ressent envers le thérapeute qui lui permet de mobiliser ses ressources et d'être regardé comme quelqu'un qui a quelque chose de positif, qui va être aimé, aimable. Cela lui permet de croire en ses propres capacités, notamment d'évolution, de guérison. Aujourd'hui, on revient à plus de bienveillance dans le soin. Certains parlent d'amour, mais c'est un terme qui a été tellement galvaudé que l'on va plutôt parler d'amour altruiste, de compassion. On revient à la qualité d'écoute et de présence, où la communication dans la relation est essentielle. C'est une forme d'amour altruiste pour que les gens guérissent. Si, dans certaines pratiques de soin, on fait appel à la prière, c'est souvent plus le fait d'avoir foi, confiance, au-delà de la croyance.
Confiance en soi, en la vie, en la force de la vie pour trouver des moments de bien-être, de plaisir et de bonheur. Et là où il y a plus de résultats, c'est lorsqu'il y a collaboration entre médecins, psychologues, guérisseurs et thérapeutes en médecine chinoise et énergétique. »
Mes Notes - Bonus
(1) les conventions varient d’un radiesthésiste à l’autre : chacun utilise un « langage » avec son pendule pour des réponses identiques.
(2)Bernard Blancan est acteur dans plusieurs courts-métrages de Caumon puis fait une apparition dans Amour d'enfance et joue le rôle principal de Cache-cache (Quinzaine 2005). Entre temps, c'est avec Peau d'homme cœur de bête d'Hélène Angel qu'il commence une carrière parisienne. C'est Indigènes de Rachid Bouchareb, qui le révèle au grand public.
(3) je ne peux que confirmer cette attitude. J’expérimente au quotidien toute l’importance de ce que j’appelle non pas la croyance mais la foi.
(4) dans un film diffusé sur M6 « enquêtes extraordinaires », série présentée par Stéphane ALIX, Bernard Blancan a été filmé en train de faire une recherche de présence d’eau sur un plan pendant que, sur place, à des centaines de kilomètres de là, une équipe technique procédait au forage. Bernard avait parfaitement localisé l’endroit du forage : l’eau a jailli abondamment !
(5) En homéopathie, à partir d’une certaine dilution (CH30) la constante d’Avogadro est dépassée : il n’y a plus de principe actif dans les gélules ! Et pourtant ça marche…
(6) Comment éviter les dérives ? Qu’est-ce qu’un guérisseur honnête ? Un guérisseur ne peut pas poser de diagnostic ni se substituer au médecin. Les tarifs doivent être raisonnables et les séances pas trop rapprochées. En période de fragilité psychologique, mieux vaut voir en complément un psychothérapeute. Quant au groupement national pour les médecines alternatives et l’association de prévention pour la santé par les médecines douces, ils ont signé une charte contre les dérives sectaires. On peut consulter leurs listes ou se fier …au bouche-à-oreilles.
En ce qui concerne la sourcellerie, je vous invite à visionner le film de Christian Labit