Habiter près d’un site nucléaire augmente-t-il le risque de cancer? Si oui, il est grand temps de revoir la politique énergétique actuelle! Mais les études d’impact ne portent pour l’instant que sur la leucémie de l’enfant, une maladie plutôt rare (6 cas pour 100000). Si elles ciblaient des cancers plus communs de l'adulte, le risque serait révisé à la hausse...
Dans un article paru le I8 mai dernier dans la revue britannique The Ecologist, le D’ Christopher Busby, secrétaire scientifique du Comité européen sur le risque de l’irradiation (CERR), présente les résultats des études épidémiologiques qu’il a menées autour de la centrale de Bradwell au Royaume-Uni: celles-ci montrent deux fois plus de cancers du sein qu’ailleurs. Pour le D’ Busby, il faut réévaluer le risque nucléaire, ce qui implique, outre l’étude des cancers plus communs de l’adulte, de réviser le modèle d’analyse en vigueur, toujours fondé sur l’impact de la bombe de Nagasaki sur la santé des personnes irradiées!
Ce modèle se contente en effet de tracer des cercles concentriques autour des sources d’émission nucléaire pour calculer les doses d’irradiation. Or non seulement le flash d’une bombe n’a rien à voir avec la chronicité des émissions d'une centrale, mais on sait aussi que ses rejets sont tributaires des vents et qu’ils se déposent dans les cours d’eau, où ils s’accumulent. Le D’ Busby a constaté des taux d’incidence du cancer du sein différents dans deux villes situées pourtant à égale distance de la centrale. Ces taux étaient deux fois plus élevés dans la ville qui était parcourue par une rivière passant aussi devant la centrale.
Sources : bio info n°35 et wwwftheecologist.org
Qu'en est-il en Alsace ?
Breitenbach 3e Campagne de dépistage Césium, y es-tu ?
Dans le cadre de la campagne 2014 de dépistage des retombées de la catastrophe de Tchernobyl, l’association « Les Enfants de Tchernobyl », créée en 1993, était mercredi à Breitenbach, la seule commune de la vallée à avoir accepté de soutenir financièrement cette vaste entreprise d’utilité publique.
Les mesures de radiations dans le sol ont été effectuée au Heibel PHOTO DNA -J. Kauffmann.
En fait, elles ne sont que six communes en Alsace à avoir fait suite à cet appel : Durmenach, Kruth, Erstein, Wolfgantzen, Aubure et Breitenbach. Ce peu d’intérêt pour une action pourtant importante et bénéfique, semble quelque peu curieux. Élisabeth Cordier, membre du conseil d’administration des Enfants de Tchernobyl, présente mercredi, était entourée de Christian Courbon du Laboratoire indépendant « CRIIRAD » (Valence) (Commission de Recherche et d’information indépendante de la Radioactivité) et partenaire de l’association, du géologue André Paris ainsi que d’une équipe de France Bleu Alsace.
Toutes ces personnes furent accueillies par l’adjoint Michel Mitschi, représentant le maire retenu par d’autres obligations. Et ce fut au « Heibel » que les mesures auront été entreprises à travers un carottage du sol.
« Plus de danger dans la région »
Et la question hante encore de nombreux esprits, lancinante : les sols alsaciens contiennent-ils encore du césium 137 après la catastrophe d’avril 1986 ? (césium = élément atomique d’un diamètre de 0,0000005 mm). Pour André Paris « celui-ci ne représente plus de danger dans la région », estimant que « la période la plus dangereuse fut celle qui a suivi immédiatement la catastrophe ». Et de fustiger, une nouvelle fois, le mensonge du professeur Pellerain, « qui a osé dire que le nuage de Tchernobyl s’était arrêté à la frontière. L’État français a menti d’une façon éhontée, laissant la population dans une ignorance totale… »
Les deux scientifiques sur place sont formels : « le césium disparaît de moitié après 30 ans mais des résidus resteront encore longtemps disséminés dans la nature, ce qui, évidemment, a une incidence sur l’ensemble de la chaîne alimentaire ».
Et qu’en est-il des régions : ont-elles été pareillement contaminées ? « Bien sûr que non » dit André Paris, « certaines ne l’étaient guère ou très peu, d’autres en revanche, énormément… » « Ce genre de phénomène est toujours tributaire de la météo. Lorsque la pluie tombe fortement sur certains endroits ou lorsque le vent souffle d’une certaine direction, ils seront très touchés, Ce n’est jamais uniforme ».
À Breitenbach comme ailleurs, André Paris et Christian Courbon ont prélevé plusieurs échantillons, jusqu’à 50 cm de profondeur. Il convient ici de rappeler qu’en 1990, certaines communes avaient été choisies afin d’évaluer les retombées du fameux nuage de Tchernobyl. On sait depuis longtemps que l’Alsace fut parmi les régions les plus touchées.
88 sur 206 enfants contaminés
En 1998, à la demande d’Adrien Zeller, une nouvelle campagne de mesure avait été lancée afin d’évaluer les évolutions, tant du point de vue des activités totales résiduelles, que du saupoudrage des radionucléides dans le sol. « Cette étude avait concerné 28 des 66 sites de l’étude de 1990, demandée à l’époque par Marcel Rudloff ».
Rappelons aussi qu’en août 2014, on avait mesuré le césium dans l’organisme de 206 des 211 enfants ukrainiens et russes séjournant en France pendant les vacances, accueillis par l’association haut-rhinoise. « Aucun d’eux n’était encore né en ce funeste 26 avril 1986. Et pourtant, 88 étaient contaminés par le césium 137 alors qu’ils vivent à 240 km de Tchernobyl. Ce poison provient surtout de l’alimentation des produits consommés qu’offrent les sols radioactifs […] Nombreux sont ceux qui tentent de nous faire croire que la porte de la catastrophe est close, ce qui est un mensonge énorme pour les victimes qui ne cessent de crier que la catastrophe de Tchernobyl est un arbre qui pousse… » La chasse au césium dans les sols de Breitenbach a été menée à bien ces jours-ci, et les conclusions seront connues dans les prochains mois.
28 ans après Tchernobyl Enquête de la CRIIRAD à Kruth et Durmenach Le sol reste-t-il contaminé par de la radioactivité ?
Quel est l’impact à long terme de l’explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine en 1986 ? C’est ce que veulent savoir la CRIIRAD et l’association « Les enfants de Tchernobyl » qui ont entamé hier une nouvelle campagne de mesure de la radioactivité dans les sols de Durmenach, dans le Sundgau et Kruth, dans la vallée de la Thur.
André Paris (à gauche) et Christian Courbon, lors du prélèvement à Durmenach. Photos DNA
« Il ne s’agit pas ici d’affoler les populations. À l’heure actuelle, il n’existe pas de risque sanitaire », rassure d’emblée André Paris, géologue indépendant. Pour ce scientifique, « c’était dans les heures et les jours qui suivaient immédiatement l’accident que des précautions auraient dû être prises ». Non, selon lui, la question est maintenant de « connaître la vraie dimension d’un accident nucléaire ». En clair, d’évaluer ses conséquences à l’échelle de l’histoire.
Le troisième volet d’une enquête démarrée en 1989.
D’où ces prélèvements effectués hier matin à Durmenach, dans le Sundgau et hier après-midi à Kruth, dans la vallée de la Thur. Ce géologue qui travaille pour l’association « Les enfants de Tchernobyl » et un autre technicien, Christian Courbon, de la CRIIRAD (Commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité), ont réalisé des carrotages dans les sols à une profondeur de 50 centimètres. Des opérations similaires sont programmées ces jours prochains à Erstein, Breitenbach, Wolfgantzen et Aubure. Ces échantillons de terre seront ensuite analysés au laboratoire de la CRIIRAD à Valence. L’objectif est de mesurer la présence d’un élément radioactif artificiel, le Césium 137.
1989: l’Alsace, région parmi les plus contaminées.
Il s’agit en fait du troisième volet d’une enquête démarrée en 1989. À l’époque, le sol de 66 communes alsaciennes avait été sondé. Les investigations avaient mis en évidence la présence, dans treize communes, de Césium 134 et 137 à des teneurs si élevées que, selon la CRIIRAD, « elles traduisaient la nécessité, au moment de la catastrophe du printemps 1986, de mesures sanitaires telle que l’interdiction de la commercialisation de lait frais ». Avec la Corse, les Hautes-Alpes, le Jura et l’Ain, la CRIIRAD avait classé l’Alsace parmi les « régions les plus contaminées d’Europe de l’ouest ».
Cette étude a ensuite été réactualisée en 1998, mais elle ne concernait plus que 28 communes. Les analyses avaient alors démontré une forte décroissance du césium. « Elle s’est avérée, cette décroissance, supérieure à celle attendue du fait de sa seule décroissance radioactive », écrit la CRIIRAD dans son rapport d’analyses. La question qui se posait alors et qui se pose toujours est de savoir par quel processus disparaît ce césium. Trois hypothèses sont principalement avancées : l’érosion des sols, la migration en profondeur et le lessivage du césium ; et le transfert à la faune et à la flore. Cette dernière hypothèse avait fait l’objet d’un début de vérification. Des champignons ramassés à Kruth avaient fait l’objet d’analyses aux résultats plutôt inquiétants. Les chanterelles, notamment, présentaient une contamination supérieure à la norme européenne qui s’établit à 600 becquerels par kilo. Ces résultats confirmaient donc le transfert vers la flore. La CRIIRAD recommandait alors des contrôles ciblés sur le milieu forestier (baies, champignons, gibier). En revanche, la CRIIRAD concluait à l’absence de risque de d’accumulation d’éléments radioactifs dans les eaux souterraines.
Trente ans: un moment clef.
La nouvelle étude débutée hier a donc pour objectif d’évaluer l’évolution de la contamination radioactive des sols alsaciens. Et ceci à un moment clef. En effet, on se situe à presque trente ans après la catastrophe du 26 avril 1986. Or la durée de vie du césium est précisément de trente ans.
Champignons, baies, gibier: l’interrogation.
Et puis, au-delà des résultats mêmes de ces analyses, se posent encore et toujours la question des répercussions sur la santé humaine de l’explosion du réacteur de la centrale soviétique. Hier, alors que ces carottages étaient effectués dans le Sundgau et la vallée de la Doller, on apprenait que la Norvège restreignait la traditionnelle chasse aux rênes en raison de trop forte concentration de césium dans la viande de ces animaux qui se nourrissent beaucoup de champignons (cf. DNA d’hier, l’article « Rentiere in Norwegen noch verstrahlt » dans notre édition bilingue). « Le meilleur transféreur de radioactivité reste le gibier car il accumule la radioactivité déjà concentrée par les baies et les champignons », expliquait aussi André Paris.
Le résultat des carottages effectués hier sera connu d’ici plusieurs semaines. Ils s’ajouteront aux synthèses des deux précédentes études disponibles sur le site de la CRIIRAD (www.criirad.org) et compléteront un ouvrage de référence réalisé par André Paris, disponible en librairie sous le titre Contaminations radioactives – Atlas France et Europe.
Vingt-neuf ans après Tchernobyl, le césium 137 radioactif est toujours présent dans certains sols d’Alsace. C’est ce que montre l’étude menée par le laboratoire indépendant de la Criirad.
Roland Desbordes, président de la Criirad, a présenté les résultats de la nouvelle étude de l’impact de Tchernobyl sur certains sols alsaciens. PHOTO DNA
Après les études des retombées de l’explosion du réacteur nucléaire de Tchernobyl survenue le 26 avril 1986, – études menées sur 66 sites alsaciens en 1989-1990 puis, en 1998, sur 28 de ces sites – à l’initiative du conseil régional d’Alsace, la commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) a conduit en 2014 une troisième étude * sous forme de carottage dans des terrains non remaniés, à la demande de l’association haut-rhinoise « Les enfants de Tchernobyl ».
« Malheureusement, seules six communes alsaciennes ** faisant partie des premières études ont choisi de savoir ce qu’il en est, ce qui empêche d’avoir une photographie complète de l’Alsace », explique Roland Desbordes, président de la Criirad. La moitié du césium 137 échappé du réacteur présente dans le sol s’est désintégrée. Mais il faut encore attendre 300 ans pour que son impact puisse être considéré comme résiduel. Une grande partie de la radioactivité disparue est passée dans l’assiette des consommateurs de champignons, de baies, de gibier. »
Cas particuliers
Deux cas particuliers sont à relever. Le site de Breitenbach (68), « qui a probablement été remanié et amendé », montre une diminution importante de la contamination en surface ; toutefois, cela place, selon le rapport « la contamination plus en profondeur, qui peut être de ce fait plus facilement transférée aux nappes phréatiques ». À Kruth (68), du plutonium d’origine militaire a été décelé, provenant sans doute d’essais militaires des années 60 ».
Les niveaux de césium 137, actuellement mesurés en France dans les produits alimentaires courants (salades, céréales, fruits, lait, fromage, etc.) présentent « une contamination faible mais chronique. La consommation de certains produits d’origine forestière peut induire une exposition non négligeable, ce qui nécessite une vigilance pendant encore de nombreuses années. »
Thierry Meyer, président des Enfants de Tchernobyl estime : « On ne peut que déplorer que la réglementation en vigueur au niveau européen ne porte toujours que sur les produits importés et avec des limites particulièrement élevées, inchangées depuis 1986. Mais tout cela n’est rien en comparaison des zones de Russie et d’Ukraine où la contamination corporelle ses enfants augmente au fil des années. »
(*) La totalité du rapport est consultable sur le site www.lesenfantsdetchernobyl.fr (**) Il s’agit d’Erstein dans le Bas-Rhin, d’Aubure, de Breitenbach, Durmenach, Kruth et Wolfgantzen dans le Haut-Rhin.
source et photos : DNA
LEXIQUE
Un becquerel (Bq) est une désintégration par seconde, quel que soit l’élément à l’origine de la radioactivité. Cette unité mesure l'activité nucléaire globale. Une personne de 70 kg émet ainsi 8000 Bq, dus à 70 % à l’isotope du potassium K, présent dans ses os.
Un sievert (Sv) est une unité de dose, qui mesure l’impact biologique des radiations sur la santé : l’énergie reçue par unité de masse (joule/kg) est corrigée d’un facteur qui tient compte de la sensibilité des différents tissus et la nature du rayonnement reçu. Une radio des poumons nous expose à 0,3 millisievert (mSv). La limite d’exposition en France imposée par le code du travail pour les travailleurs est de 20 mSv/an/personne.
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