Le pessimisme n'est ni un défaut ni une fatalité. La psychologie positive donne des clefs pour prendre confiance en l'avenir.
Sois plus optimiste l », entend-on souvent quand on se plaint. Pas si simple. L’optimisme ne se commande pas. Inutile de se forcer à penser positif sous la pression d’autrui ou pour se plier à un modèle, cela risque de ne pas fonctionner. Pourtant, regarder les événements sous un autre angle peut s’apprendre en piochant quelques secrets chez les optimistes.
Posez-vous les bonnes questions.
Face à une difficulté, interrogez-vous : « est-ce que dans un an, cela aura encore de l’importance ? », «suis-je seul responsable de ce qui m’arrive? Des éléments extérieurs ne sont-ils pas aussi en cause » et enfin « cet échec est-il si important? Remet-il en question qui je suis ?» « Répondre honnêtement devrait vous aider à relativiser », analyse Philippe Gabilliet. Le changement d’interprétation des événements permet de cesser de généraliser. «Il s’agit de passer de “je suis nul en bricolage” à “je ne sais pas poser de l’enduit”, relève Alain Braconnier. Plus on est précis, plus on se rend compte que ses lacunes peuvent être facilement comblées.» Après s’être posé ces questions, le psychologue Martin Seligman conseille de passer à l’étape de la « dynamisation », qui consiste à trouver des voies positives. Un échec à un entretien d’embauche sera suivi de décisions comme : «je vais m’inscrire à un stage pour élargir mon réseau, je vais répondre à plus d’annonces », etc...
Tenez un cahier de gratitude.
Dressez chaque jour la liste de ce dont vous pouvez vous sentir reconnaissant. Selon une étude américaine menée sur dix semaines, vous serez plus optimiste, plus heureux et moins stressé.
Fixez-vous des objectifs raisonnables.
Dans le film le Masque de Zorro, Don Diego alias Zorro, qui a su détecter le potentiel d’un brigand, Alejandro, forme son protégé au maniement de l’épée. Il trace un cercle autour de lui et lui conseille de se restreindre à ce périmètre pour commencer, puis à aller de plus en plus loin. Shawn Achor, professeur de psychologie à Harvard, tire de cette scène un principe, «le cercle de Zorro ». Le but? Se donner dans un premier temps des objectifs gérables afin de garder le contrôle sur la situation. Pour autant, ne vous limitez pas trop, conseille Charles-Martin Krumm. «Les pessimistes, qui, généralement, manquent de confiance, ont tendance à se fixer un seul objectif et surtout un seul moyen d’y arriver, analyse-t-il. Adoptez la démarche inverse: multipliez les objectifs et les chemins pour y parvenir. Vous pensiez planter une plate-bande dans votre jardin aujourd’hui, annoncez à votre entourage que vous allez en planter deux. En formulant vos objectifs, vous avez plus de chance de les remplir. D’abord par fierté. Ensuite parce que la parole consolide la prophétie auto réalisatrice. Des chercheurs de l’université de Toronto ont annoncé à des étudiants qu’ils allaient passer un test sans les informer de la thématique. Ils leur ont ensuite demandé de prédire leur note à voix haute. 73 % des participants ont donné une note qui était à deux points près la note donnée par le professeur. Ils ont refait le test en demandant à d’autres participants d’inscrire leur note présumée sur un papier. Là, seuls 54 % des élèves s’approchaient à deux points de la note finale. Le pouvoir de la parole.
Faites la somme de vos succès. Notez tous les soirs trois choses positives accomplies dans la journée. Puis déterminez-en la cause et tirez quelques généralités sur vos qualités et vos forces de caractère. « Cet exercice permet à chacun de prendre conscience de ce pour quoi il est doué : relations sociales, travail minutieux, organisation, explique Alain Braconnier. Il permet de reprendre confiance dans ses capacités et de réduire l’anxiété, liée au manque d’assurance. Il s’agit ensuite de s’efforcer d’employer ses qualités au quotidien.» Une étude, réalisée auprès de 3 000 élèves de 8 à 20 ans en Pennsylvanie, a démontré l’efficacité de la méthode. A la clef: plus d’intérêt pour l’école, moins d’angoisse, des dépressions en forte baisse. Martin Seligman l’a aussi testée auprès de patients dépressifs Verdict : après quinze jours, 92 % d’entre eux se disaient plus heureux.
Veillez sur votre enfant intérieur.
Tout comme vous encourage: vos enfants quand ils ont subi un échec, soyez indulgents avec vous-même et traitez-vous avec bienveillance.
Pensez positif mais n’excluez pas les émotions négatives.
«Mon chef n’est pas sympa», «les enfants crient trop », «la machine à café est encore en panne ». .. « En ressassant sans arrêt ce qui ne va pas, nous créons des chemins neuronaux qui nous amènent à nous focaliser sur les mauvais côtés, explique Barbara Fredrickson. En rayant pendant un mois la complainte de votre vocabulaire et en cultivant l’émerveillement, nous instaurons d’autres circuits, optimistes et positifs» « Le vocabulaire a aussi un impact sur le subconscient et conditionne nos actions», ajoute Philippe Gabilliet. Ne dites plus : «je vais essayer» mais «je le fais»; «je ne sais pas si je vais y arriver» mais «je vais m’en sortir ». Et ne vous rabaissez pas: «je n’arrive pas à joindre les deux bouts », «je n’ai pas de chance», «je me trompe toujours»...
Autant de phrases toxiques qui alimentent des pensées négatives Pas question pourtant de les exclure complètement. Gabriele Oettingen, psychologue à l’université de New York, a montré que se projeter dans un événement (perdre du poids, faire une rencontre amoureuse...) de façon trop positive, bref le fantasmer, est contreproductif. Elle a demandé à ses étudiants d’imaginer leur futur emploi. Deux ans plus tard, les trop optimistes avaient envoyé moins de lettres de candidature, reçu moins de propositions d’embauche et gagnaient moins que leurs camarades. La méthode qu’elle propose, le contraste mental, consiste à se fixer un objectif et à imaginer avec force détails qu’on l’a déjà atteint. Ensuite, il faut envisager les deux obstacles qui pourraient contrecarrer ce rêve. Le but : anticiper sa réaction s’ils surviennent afin de les contourner et rester optimiste face aux échecs
Acceptez de ne pas avoir le contrôle sur tout.
En 1999, Lisa Aspinwall, professeur de psychologie à l’Université de l’Utah, a fait passer un test d’intelligence à des étudiants. Certains problèmes pouvaient être résolus, d’autres non. Or les étudiants plutôt optimistes — ils étaient évalués par un questionnaire au préalable — identifiaient les problèmes insolubles, les laissaient de côté et se concentraient sur les autres. A l’inverse, les pessimistes, en s’attaquant au plus dur, compromettaient leurs chances d’en démêler une partie. Une attitude appelée la persistance non productive, observée notamment en cas de deuil. « Si une situation est incontrôlable, restreindre les efforts que l’on pourrait faire et accepter la réalité de la situation peut limiter les résultats négatifs et l’énergie dépensée inutilement», commente Alain Braconnier.
Entourez-vous d’optimistes.
«Veillez à vous entourer de gens qui voient la vie du bon côté, conseille Philippe Gabilliet. C’est un mal sympathiquement contagieux.» Selon une enquête du Social Issues Research Center britannique, 60 °/o des personnes interrogées estiment que les optimistes gravitant autour d’elles les rendent plus optimistes Des travaux récents le démontrent. Ainsi, des chercheurs qui se sont penchés sur les témoignages de plusieurs milliers de personnes depuis 1948, à Framingham (États-Unis), ont calculé que, lorsqu’une personne devient heureuse, un de ses amis vivant à moins de 1 km a 25 % de chance de le devenir à son tour; un de ses frères ou sœurs, 14 % : et le voisin de palier 34 % ! «A la longue, on peut aussi s’entourer de quelques pessimistes, s’amuse Philippe Gabilliet, histoire de voir si on parviendra, nous aussi, à les faire évoluer.» I
Inébranlables pessimistes.
Jean Rostand craint la science et fait progresser la transfusion.
« Je me sens très optimiste quant à l’avenir du pessimisme. »
L’historien des sciences Jean Rostand (1894-1947) s’est battu contre l’arme atomique, l’eugénisme…Avec une vision fataliste. Le fils d’Edmond Rostand considérait que « les enfants qui naîtront dans des millénaires ne seront pas plus aptes au progrès que ceux qui naissent de nos jours ». Elu à l’académie française en 1959, il regrette la puissance de la science, à l’origine de plusieurs calamités. Pourtant, il n’a pas cessé ses recherches sur l’hérédité et la reproduction des grenouilles. Il a même découvert les vertus de la glycérine, dont l’action antigel permet de conserver le sang pour la transfusion
Bibliographie.
« Eloge de l'optimisme», P. Gabilliet, éd. Saint Simon.
« Optimiste », A. Braconnier, éd. Odile Jacob.
«La Force de l'optimisme». M. Seligman, éd. Pocket.
Source :
Ça m’intéresse, octobre 2015.