Les dons prêtés au trèfle à quatre feuilles relèvent principalement de son caractère exceptionnel : il en pousse environ un pour 10 OOO à trois feuilles. Déjà, en Gaule, les druides lui attribuaient le pouvoir de démasquer les démons.
Dans quasiment toutes les cultures, le trèfle à quatre feuilles - il est plus juste de dire à quatre « folioles », les lobes de cette plante vivace composant en réalité une seule et même feuille - est le talisman naturel le plus ardemment recherché. Son cousin le trèfle commun ou trèfle blanc (trifolium repens), avec ses trois feuilles si banales, a lui-même été paré de bien des vertus par de nombreuses civilisations
Les Grecs lui attribuent le pouvoir de guérir les morsures de serpent ou de scorpion ; les chrétiens en font une illustration de la Sainte-Trinité au moyen duquel saint Patrick aurait expliqué les mystères de ce dogme au roi d’Irlande Aengus, marquant ainsi le début de sa conversion et l’adoption du trèfle comme symbole national.
Alors que dire du quadrifolium, né d’une mutation génétique très rare du trèfle blanc ? Il pousse un trèfle à quatre feuilles pour environ 19 000 à trois feuilles — les trèfles à cinq, six feuilles, voire plus, tel celui à 56 feuilles découvert au Japon en 2009, qui résultent également de mutations, sont encore plus rares.
C’est son caractère exceptionnel qui lui donne toute sa valeur: découvrir un trèfle à quatre feuilles relève d’un coup de chance et, en bonne logique, celui-ci devient un porte-bonheur prisé depuis des millénaires.
Ainsi, en Gaule, les druides le recherchent-ils au cours de la cueillette sacrée du gui, car ils lui attribuent le pouvoir d’aider à démasquer les démons. Au XIX° siècle, de nombreuses traditions locales témoignent encore en France de cette lointaine croyance païenne, dent elles perpétuent l’héritage: en Bretagne, le trèfle à quatre feuilles préserve du diable, en Lorraine, il éloigne les spectres, ailleurs, il assure la richesse ou fait gagner les procès.
La religion chrétienne s’est elle-même emparée du symbole. Aux trois premières feuilles, elle a associé les vertus théologales, celles dont l’homme doit faire preuve dans son rapport au monde et à Dieu : la foi, l’espérance et l’amour ; à la quatrième feuille est attachée la chance. »
Bientôt en vente partout.
Si certains collectionneurs se vantent d’avoir découvert des milliers de trèfles à quatre feuilles au cours de leurs balades le nez dans le gazon, leurs efforts pourraient être bientôt ruinés par les progrès de la science.
En 2010, des chercheurs de l’université de Géorgie, aux États-Unis, ont affirmé avoir identifié le gène responsable de la mutation du trèfle ordinaire.
Quelques manipulations génétiques plus tard, les trèfles à quatre feuilles pourraient donc bientôt se trouver en vente libre chez n’importe quel pépiniériste... mettant le bonheur à la portée tout un chacun.
SOURCE : hors série Le Point décembre 2016