3000 à 5000 : C’est l’apport quotidien en unités ORAC (Oxygen radical absorbance capacity ou mesure de la capacité antioxydante) que le Dr Ronald Prior, inventeur de cette méthode de détection des antioxydants, estime nécessaire pour espérer avoir un impact significatif sur la capacité antioxydante du plasma et des tissus. Ce qui équivaut à 30 g à 50 g de noisettes, pruneaux ou myrtilles.
Riches en anthocyanes, les «cranberries», grenades et baies de goji séduisent pour leurs vertus anti-âge. Mais ont-ils vraiment quelque chose de plus que la pomme ou la noix ? Pas si sûr Baie de goji chinoise, canneberge canadienne (généralement vendue sous son nom anglais de cranberry), jus de noni polynésien, grenade asiatique...
Ces « super-fruits » - un néologisme apparu aux États-Unis en 2005- envahissent nos étals. Leur vertu supposée ? Une teneur exceptionnelle en antioxydants (lire lexique). Car aujourd’hui, plus question de savourer simplement une poignée de mûres : il faut combler nos besoins en aliments « anti-âge » en trouvant les produits supposés les plus bénéfiques. A l’origine de cette chasse effrénée ? Le lien, établi voici environ vingt ans par des scientifiques entre certaines maladies (problèmes cardio—vasculaires, cancers. . .) et l’action néfaste des radicaux libres contre lesquels la nature nous offrirait des armes : les fameux antioxydants (1).
Produits par les plantes pour se protéger des damages causés par l’oxygène au cours de la photosynthèse, ces antioxydants sont capables, lorsque nous les assimilons, de neutraliser les radicaux libres en leur fournissant les électrons qu’ils « arrachent » généralement à nos cellules Et de préserver ainsi notre équilibre cellulaire. De là à en faire des « amis publics numéro 1 », il n’y a qu’un pas que l’industrie agroalimentaire a franchi, valorisant outrageusement certains aliments. Les super-fruits en sont le dernier avatar.
Ces baies éclipsent des trésors bien plus accessibles : cassis, pruneaux ou noix, qui attendent leur revanche au fond de nos jardins.
Constitués essentiellement de baies et de fruits rouges, les super-fruits sont effectivement riches en anthocyanes, un antioxydant de la famille des polyphénols dont le nom fait référence à la teinte allant du rouge au noir qu’ils donnent aux fruits (cyan signifiant bleu foncé). Leur teneur est donc plus élevée dans les fruits mûrs que dans les fruits verts. La canneberge possède un antioxydant particulier, la pro-anthocyanidine. Elle a la propriété de prévenir les infections urinaires en empêchant certaines bactéries pathogènes, comme Escherichia coli, d’adhérer à la paroi de la vessie (2). Le jus de grenade renferme de nombreux composés antioxydants et son effet serait même supérieur à celui du vin rouge et du thé, réputés être d’excellents antioxydants (3). Également riche en Vitamine C, la grenade fraîche n’est présente sur nos étals qu’à l’automne. Enfin, les baies de goji possèdent également diverses molécules antioxydantes : Vitamines C, E, caroténoïdes, flavonoïdes, acides phénoliques (4).
Mais les quantités consommées sont insuffisantes pour apporter les bienfaits supposés. Ainsi, pour être efficace, l’apport journalier en proanthocyanidine doit être d’au moins 36 mg. Or les jus de canneberge et baies séchées n’en contiennent que quelques milligrammes par portion. De même, les boissons « à la grenade » sont pléthore, mais elles ne contiennent souvent que de faibles quantités de grenade.
Quant aux baies de goji, de nombreux scientifiques qualifient de « surévalués » les bienfaits attribués à ces petits fruits qui ne contiennent pas plus de vitamines et d’antioxydants que la pomme.
Mieux vaut privilégier les fruits bio. La concentration des polyphénols des Végétaux, qui jouent un rôle de défense contre les pathogènes, augmente après une infection. Les fruits issus d’une agriculture riche en pesticides renferment donc moins d’antioxydants que les fruits capables de générer leurs propres défenses. De plus, des taux jusqu’à l7 fois supérieurs aux normes européennes limitant les résidus d’acétamipride à 0,10 mg/kg (insecticide), ont été relevés dans de nombreuses baies de goji séchées importées de Chine (5).
Les noix de Grenoble, les noisettes et les pruneaux sont les meilleurs fruits antioxydants selon le test ORAC, qui mesure le pouvoir antioxydant des aliments (6). Et ce devant les baies de goji, les grenades et les canneberges qui ne se distinguent d’ailleurs pas des myrtilles, mûres, ou cassis (7). Débarrassé de presque toute son eau, le pruneau voit sa densité nutritionnelle grimper. Ainsi, selon le test ORAC, ce fruit présente une valeur aux 100 grammes six fois plus élevée qu’une prune.
Mais sa densité calorique est aussi plus importante. Ce sont les épices qui sont les championnes anti antioxydantes selon ORAC : clou de girofle, cannelle et curcuma. Toutefois, ces indices sont calculés pour 100 g et les épices sont rarement consommées en si grosses quantités.
Mon conseil :
(inspiré du Pr de chimie Ariel Fenster, Université McGill, Montréal).
L’oxydation étant un processus naturel, une vie sans oxydants est impossible. Mais nous pouvons les limiter par une alimentation équilibrée, riche en antioxydants. Cela ne demande pas que nous traitions nos aliments en médicaments.
Plutôt que de nous préoccuper d’aliments devant impérativement figurer au menu, nous devrions limiter les comportements à risque : excès de viande rouge et de charcuteries, tabac et inactivité.
Panachons nos apports en fruits, légumes et épices car ce n’est pas un antioxydant particulier qui nous protège, mais l’ensemble des molécules antioxydantes qu’ils contiennent qui nous est bénéfique.
Lexique.
Antioxydant : substances (vitamines, oligoéléments micronutriments) produites par les plantes pour se protéger des dommages causés par l’oxygène au cours de la photosynthèse. Les antioxydants neutralisent les radicaux libres en leur fournissant les électrons qu’ils arrachent généralement aux cellules.
Radicaux libres : produits par l'oxygène, ils se caractérisent par la présence dans leur structure d’un électron célibataire. Les électrons aimant vivre en couple, les radicaux libres attaquent les molécules de l’organisme pour leur « voler » leurs électrons. Ce processus est accru par certains facteurs : le tabagisme, la pollution, une alimentation déficiente.
Test ORAC : indique le degré de protection qu’offrent les antioxydants en mesurant la dégradation de molécules fluorescentes Par des radicaux libres en présence de différents antioxydants.
Photosynthèse : réaction biochimique productrice d’oxygène qui se déroule chez les plantes dans le but de créer de l’énergie à partir de l’énergie lumineuse provenant du soleil.
Sources
(1) Food, Nutrition, Physical Activity, and the Prévention of Cancer: a Global Perspective..Wor|d Cancer Research Fund (2007). (2) Lavigne, J.P., et a|.,ï « Cranberry (Vaccinium macrocarpon) and urinary tract infections: study model and review of Iiterature ». Patho/ Biol (Paris), 2007. 55(8—9): p. 460-4. (3) Y. Cai, Q. Luo, M. Sun, H. Corke, a Antioxidant activity and phenolic compounds of 112 traditional Chinese medicinal plants associated with anticancer x», Life Sciences, 2004, p. 2157-2184. (4) Vincent Dewulf: Lycium barbarum L. :GouQi Zi et Di Gu Pi. Université Paris Descartes, 2009. (5) Rapport d'activité 2010 du service de la consommation et des affaires vétérinaires. République et canton de Genève, département des affaires régionales, de l’économie et de la santé. Pp 83-86. (6) Absorbance Capacity (ORAC) of Selected Foods, Release 2. Mai 2010.Nutrient Data Laboratory Beltsville Human Nutrition Research Center (BHNRC), Agricultural Research Service (ARS), U.S. Department of Agriculture (USDA). (7) Matsumoto H, et al. « Antioxydant activity of black currant anthocyanin aglycons and their glycosides measured by chemiluminescence in a neutral pH région and in human plasma ». 2002. Jour. of agri. and food chemistry. 50(18) : 5034-5037.
Sciences et avenir novembre 2011.