L’été signe le retour des plaisirs glacés, et la liste des tentations est longue. Entre Esquimaux et sorbets rafraîchissants, faut-il se limiter ?
5,5 litres : C’est la consommation annuelle moyenne de glaces et sorbets par Français. Un chiffre modeste au regard de certains de nos voisins européens. Les italiens en consomment trots fois plus. Bien que la consommation nationale ait connu une augmentation de 10 % au moment de la canicule en 2003, elle tend à baisser depuis les années 2000.
Durant les chaleurs estivales, sorbets, crèmes glacées, bâtonnets gourmands, etc., font notre régal. Mais leur consommation est—elle vraiment raisonnable? Selon une étude menée il y a quelques années par l’institut de sondage américain KRC Research auprès de 600 diététiciens et nutritionnistes européens, les glaces, envisagées comme des produits « plaisirs », auraient leur place dans le cadre d’une alimentation équilibrée. Plus étonnant, selon 83 % des professionnels européens de la nutrition interrogés, ce type d’aliments contribue à aider les consommateurs à maintenir un équilibre alimentaire durable. 51% d’entre eux estiment même que les glaces peuvent se retrouver au menu une à deux fois par semaine sans que cela mette en péril l’équilibre alimentaire. Toutefois, si nutritionnistes et psychologues s’accordent sur l’importance de ne pas stigmatiser les « aliments plaisirs», limiter leur consommation reste un gage de bonne santé. Mais demeure trop souvent un vœu pieu face à la tentation de se servir une nouvelle cuillerée de glace au chocolat. Alors que l’offre des industriels est pléthorique, les Français ont encore une consommation assez raisonnable. Mais outre—Atlantique, le « snacking », qui consiste à les consommer en dehors des repas, de manière parfois addictive, est devenu un véritable problème de santé publique.
Attention donc aux glissades, le plaisir glacé n’en étant que plus fort s’il est maîtrisé. ..
On distingue trois familles de spécialités glacées : les glaces, les crèmes glacées et les sorbets, soumises à des règles strictes définies dans un code des pratiques servant de référence aux glaciers et aux agents de contrôle des fraudes (1). Une glace est ainsi un mélange de protéines et de matières grasses laitières, végétales ou d’œuf et de sucres. Elle doit contenir au moins 5 % de matières grasses. Même ratio pour la crème glacée, qui se distingue par le fait qu’elle contient exclusivement des matières grasses d’origine animale. Enfin, un sorbet est un mélange d’eau et de sucres dans lequel aucune matière grasse n’est ajoutée. Il contient au minimum 25 % de fruits ou de légumes. Attention toutefois, ce taux est ramené à 5 % pour les fruits exotiques et 10 % pour les agrumes. Enfin, les sorbets portant la dénomination « plein fruit » doivent en contenir an minimum 45 %.
Les glaces et crèmes glacées sont riches en calories, en moyenne 180 kcal pour 100 g. Elles contiennent 7 à 8 % de lipides, 26% de glucides et 3 à 4% de protéines. Compte tenu de leur richesse en produits laitiers gras (crème, lait entier), et parfois en jaune d’œuf, elles sont une source relativement importante d’acides gras insaturés, à l’origine du mauvais cholestérol. A contrario, elles constituent une bonne source de calcium, soit 135 mg pour 100 g. Enfin, si la réglementation française recommande de limiter la présence des acides gras trans (lexique) à 2 % des apports énergétiques totaux des aliments industriels (2), les glaces importées peuvent ne pas respecter cette norme, et certaines, à bas prix, en contiennent des quantités non négligeables. Attention aux quantités : une boule de glace ou de sorbet pèse en moyenne 30 g. Cependant, de nombreux fabricants mettent en avant sur l’étiquette l’énergie pour 100 ml et non pour 100 g, ce qui donne une apparence de « légèreté ».
Pour connaitre l’équivalent en grammes, i1 est nécessaire de multiplier les calories par deux. Rappelons aussi que les glaces en bâtonnet grand format apportent deux à trois fois plus de calories qu’un Esquimau « classique ».
Si les sorbets ne contiennent pas de matières grasses, ils sont très riches en sucres. Moins caloriques - 134 kilocalories pour 100 g - et; ne contenant aucune matière grasse, ils ne contiennent pas plus d’eau que les glaces : 66% contre 62% en moyenne. En revanche, ils sont plus riches en sucres, avec 33 % de glucides. Certains sucres ajoutés aux sorbets et glaces à l’eau, tels le sirop de glucose et le sirop de fructose, augmentent très fortement la charge glycémique des aliments et sont clairement mis en cause dans le surpoids et le diabète (3).
Les sorbets conservent une grande partie de la vitamine C des fruits. En effet, leur préparation n’inclut pas de cuisson, et la congélation ne dégrade que très peu cette vitamine très fragile. Ils sont en revanche quasi dépourvus de calcium.
Les produits glacés sont souvent riches en additifs. Si les agents de texture naturels, tels l’agar-agar, la farine de graine de caroube ou encore les carraghénanes (Lexique), ne semblent pas présenter d’inconvénients particuliers, certains des 22 colorants autorisés par la réglementation des produits glacés sont soupçonnés d’effets indésirables.
Les colorants artificiels E110, E122, E102, E124, E104 et E129 pourraient en particulier augmenter l’hyperactivité infantile (4). Leur présence doit être signalée par un étiquetage précisant qu’ils « peuvent avoir un effet nuisible sur l’activité et l’attention des enfants ».
Les glaces dites allégées le sont surtout en contenance : ainsi pour les bâtonnets individuels light, on réduit en premier lieu la taille ou le poids, et non les ingrédients entrant dans leur composition. En effet, en raison de contraintes de texture et de goût, les fabricants ne retirent qu’une faible quantité de matières grasses et de sucre, en leur substituant des fibres et des édulcorants afin de gagner en moyenne un tiers de calories. Attention à un phénomène bien connu: choisir des glaces allégées déculpabilise.
Résultat. .. On se ressert!
Vive le sorbet « fait maison »
Pris en dessert ou au goûter de manière occasionnelle, les glaces et sorbets ne représentent pas un péril nutritionnel, tant qu’ils ne se substituent pas trop souvent aux fruits et pro duits laitiers maigres.
Un sorbet « fait maison » composé de fruits mûrs, de blanc d’œuf et de sucre brut, plus riche en minéraux que le sucre blanc, constitue même un dessert nutritionnellement intéressant et dépourvu de matières grasses. En France, la consommation de produits glacés représente moins de 2 % de l’apport en matières grasses annuel chez l’enfant et l’adulte. »
Docteur Olivier Coudron, Professeur associé en pharmacologie clinique à l’université de Bourgogne et fondateur du SIIN (Scientific Institut for Intelligent Nutrition)
Lexique.
Acides gras trans : acides gras dont la structure biochimique est modifiée par un sur chauffage ou par une hydrogénisation. Présentant des propriétés athérogénes semblables aux acides gras insaturés, ils sont également cancérogènes. Carraghénanes : épaississants et gélifiants, ces composés d’origine naturelle, dérivés d’algues rouges chauffées à haute température et traitées avec des acides, sont utilisés pour améliorer la texture des glaces.
Sources
SCIENCES ET AVENIR, août 2012
(1) Code des pratiques loyales des glaces alimentaires (mars 2008, validé par DGCCRF). (2) Avis scientifique sur les valeurs nutritionnelles de référence pour les lipides, notamment les acides gras saturés, les acides gras polyinsaturés, les acides gras monoinsaturés, les acides gras trans, et Ie cholestérol, Efsa Journal 2010; 8 (3) : 1461 [107 pp.]. doi : 10.2903/j.efsa.2010.1461. (3) « Excessive consumption of fructose can cause many of the same health problems as alcohol. From Public Health: The toxic truth about sugar », Robert H. Lustig, Laura A. Schmidt & Claire D. Brindis Nature 482, 27—29 (02 February 2012) doi: 10. 10381482027a. (4) « Food additives and hyperactive behaviour in 3-year-old and 8/9-year-old children in the community: a randomised double-minded, placebo-controlled trial », Lancet, 2007.