On pourrait théoriquement ne boire que du thé, du café ou des sodas zéro calorie, mais ces boissons n’ont pas toutes les propriétés de l’eau naturelle
Le thé et le café sont soupçonnés de diminuer la biodisponibilité des vitamines B1 et 86, nécessaires pour l'assimilation des glucides et des protéines. Le thé amoindrit aussi l’absorption du magnésium, du fer et du calcium, alors que le café accroit son élimination par les urines. Par ailleurs, thé et café sont diurétiques et leur consommation excessive ou exclusive peut paradoxalement contribuer à la déshydratation et à une perte de sels minéraux. Enfin, le café accélère la dégradation du glycogène, ce qui peut mener à une hypoglycémie, lors d’une compétition sportive par exemple. Le café et le thé sont d’excellentes boissons récréatives, mais pour s’hydrater rien ne vaut l’eau pure.
Eau Kangen.
Venu du Japon, un procédé de traitement de l’eau, nommé Kangen, arrive en France. Il promet une eau aux multiples vertus. Une fois branché sur le robinet de la cuisine, l’appareil, conçu et commercialisé par la société japonaise Enagic, est censé délivrer une eau alcaline, dont le pH varie de 8,5 et 9,5, et qui serait structurée en «microclusters» hexagonaux, c’est-à-dire en petits paquets de cinq à sept molécules contre 10 a 14 dans une eau ordinaire. Son alcalinité et sa «microstructuration» favoriseraient notamment l’hydratation des cellules et l’élimination des toxines.
Problème : ces allégations thérapeutiques sont fausses. « L’eau sous sa forme liquide est constituée de molécules sans cesse en mouvement. Elles ne peuvent donc pas avoir une structure fixe hexagonale qui n’existe que dans la glace. Quant aux “clusters”, il s’agit d’un vieux serpent de mer proposé au XIXe siècle par le physicien Wilhelm Röntgen, mais démenti depuis ! » explique José Teixeira, physicien au CNRS de Saclay et spécialiste de l’eau.
Quant aux bénéfices de l’eau alcaline, c’est la aussi une croyance tenace diffusée largement sur Internet pour vendre des «ioniseurs d’eaux» comparables à la machine d’Enagic. « Aucune publication scientifique n’en a jamais montré le moindre bienfait », précise Martin Weik, biophysicien à l’institut de biologie structurale de Grenoble. Et Dominique Eladari, chercheur de l’Assistance publique Hôpitaux de Paris (AP-HP), spécialiste de la physiologie rénale et de la régulation acide/base, d’ajouter : «De toute façon dans l’organisme le pH est très puissamment régulé. L’eau de boisson n’a aucune influence. »
Les distributeurs de l’eau Kan-en restent sourds à ces arguments scientifiques. .. et on les comprend ! Ils sont en effet prisonniers d’un système de vente multi niveau douteux qui profite essentiellement à Enagic. Ces distributeurs sont d’anciens clients convertis à la vente par la promesse de profits rapides et sûrs. Ils ont d’abord acheté la machine (Leveluk SD 501) pour entrer dans le système : un ticket à 3300€ I Pour ensuite espérer toucher des commissions sur chaque machine vendue.
Or le retour sur investissement n’est jamais atteint, les commissions étant en fait dérisoires et plafonnées. Alors, pour tenter de dégager enfin des bénéfices, certains distributeurs dérapent et affirment que l’eau Kangen peut soigner la maladie de Crohn, la spondylarthrite ankylosante, l’obésité, le cancer, etc. Ils s‘exposent ainsi à de lourdes sanctions judiciaires sans que le fabricant, dégagé par contrat de toute responsabilité, soit inquiété. Comme le dit si bien le slogan Enagic : « Changez d’eau, changez de vie ! »
source : Science et Avenir.
Minérales... mais pas toujours potables!
Qu’arriverait-il à une personne qui ne boirait toute sa vie qu’une seule eau minérale? A vrai dire, on l’ignore. Mais les médecins recommandent d’utiliser de préférence des eaux peu minéralisées et de varier les marques. Car on oublie parfois que certaines d’entre elles, si elles ne sont pas impropres à la consommation, ne sont pas..potables. En France, une eau ne peut être qualifiée de minérale que si elle est reconnue comme bénéfique pour l’organisme par l’académie de médecine et le ministère de la Santé. D’origine profonde, elle ne peut être traitée, et sa composition physico—chimique doit rester stable dans le temps. C’est justement sa teneur en minéraux qui peut dépasser largement certains critères de potabilité. Pas de limite officielle pour les taux de salinité, souvent importants. En revanche, la célèbre eau de Vichy a longtemps affiché une teneur en fluor de 9 mg/litre. .. Six fois supérieure à la valeur-guide! Elle indique aujourd’hui sur ses bouteilles 1 mg/litre. La Contrex a trop de magnésium : 80 mg/litre.
Aucune eau du robinet présentant un tel taux ne pourrait être distribuée. Cette dernière est très contrôlée, et des mesures sont instaurées dès qu’elle ne remplit plus les critères pour satisfaire aux normes de potabilité. Quant à sa composition, elle se rapproche le plus souvent de celle d’une eau faiblement minéralisée ! l.
La dernière enquête de I'UFC Que choisir (20 mars 2012) indique que 97,5 % des Français bénéficient toute l’année d’une eau de bonne qualité.
Emoto, le Charmeur de cristaux . Pour améliorer le gout de votre eau, faites-lui écouter du Mozart plutôt que du heavy metal! Ou mieux : écrivez « Amour et gratitude » sur une étiquette, ou simplement « Merci », et enroulez le papier autour de la bouteille. Peu importe la langue, l’eau est polyglotte. C’est ce que suggèrent les travaux du Japonais Masaru Emoto, docteur de l’Open International University for Alternative Medicines, un institut d’enseignement privé situé à Mumbai (Inde). Depuis trente ans, dans son laboratoire-institut de Tokyo, il observe la cristallisation de l’eau — le moment précis ou elle passe de l’état d’eau liquide à celui de glace. Les photographies qu’il réalise semblent parler d’elles-mêmes : bercés de mots doux ou d’harmonies musicales, les cristaux se révèlent magnifiques. A l’inverse, l’eau insultée ne donne que des compositions disgracieuses. La cristallisation de l’eau repose sur un système hexagonal, a l’instar des cristaux de neige formés dans les nuages et dent on connait bien la forme : un cristal de Koch, étoile a six branches ramifiées a l’infini. Mais la forme de l’ensemble varie toujours du fait des conditions externes (température, humidité relative...). L’influence de l’intention? Un essai en double aveugle permettrait d’avoir une approche plus scientifique du phénomène : Il suffirait de comparer à une eau témoin de l'eau cristallisée avec une « intention », sans que l’observateur ne sache rien de ce qu’il observe. Mais Masaru Emoto s’est toujours refusé a une telle mise à l’épreuve. Aussi, ses travaux ne peuvent guère être appréciés autrement que d’un point de vue artistique!
Des pluies moins acides.
Fraiche et limpide, l’eau qui tombe du ciel nous parait naturellement bonne à boire. Mais l’affaire n’est pas si simple. Ainsi, en France, pour la Direction générale de la santé, le verdict est clair : l’eau de pluie « présente une contamination microbiologique et chimique supérieure aux limites de qualité retenues pour I ’eau potable distribuée par le réseau public. » Que se passe-t-il donc entre les nuages et le sol? En soi, l’eau de pluie est une eau qui s’est évaporée puis re condensée. Mais l’air contient des gaz issus du milieu naturel, des activités industrielles, de la combustion des produits fossiles. Gaz qui se dissolvent dans la vapeur d’eau et se transforment en acides. La qualité de l’eau de pluie varie donc d’une région à l’autre. Au nord-est de l’hexagone, plus industrialisé, l’acidité est plus importante, alors que sur les façades maritimes, on relève des pH proches de la neutralité. Les pluies acides détruisent les forêts, exacerbent l’érosion des sols et abiment les monuments en pierre calcaire. En 1995, le seuil critique d’acidification en Europe avait touché 115 millions d’hectares de sols forestiers. Depuis, des mesures ont été prises comme l’utilisation de fuels et de gaz mieux dé soufrés et la part de forêts affectées décroit : de 23 % en 2000, elle devrait passer à 13 % en 2020. Pour la France, Météo France a suivi la composition chimique des précipitations de 1977 à 2009 sur trois stations du réseau. Source d’acidité, les dépôts de sulfates ont bien diminué. En revanche, les dépôts moyens de nitrates et d’ammonium, responsables de l'eutrophisation (1) des écosystèmes, restent stables. Toutefois, sur la période étudiée, l'acidité baisse et s’approche partout du niveau que l'on devrait naturellement trouver dans les eaux de pluie.
(1) Asphyxie des écosystèmes aquatiques liée en général a un apport exagéré de substances nutritives.
Micro polluants : à boire et à manger
Résidus pharmaceutiques, pesticides, métaux lourds... des millions de molécules indésirables passent chaque jour dans les eaux usées puis traitées, composant des cocktails qui inquiètent les spécialistes. Des poissons qu’il est interdit de pécher, d’autres qui changent de sexe ou éprouvent des difficultés à se reproduire, des algues qui prolifèrent. .. Ces phénomènes inquiétants résultent directement de l’état des eaux brutes, celles qui coulent sous terre ou dans les rivières. Leur qualité souffre des pesticides de l’agriculture, des métaux lourds de l’industrie, des solvants de la chimie, des résidus médicamenteux. .. S’il faut se méfier de l’eau qui dort, il convient plus que jamais de faire attention à celle qui court, aussi claire soit-elle.
« De toute évidence, la planète est contaminée d’une manière colossale, affirme le professeur Yves Lévi, spécialiste de ces questions au laboratoire de Santé publique - Environnement de l’université Paris-Sud. Il a fallu l’épisode de Minamata au Japon pour que l’on réalise que l’on ne pouvait déverser n’importe quoi n’importe quoi n’importe où : dans les années 1950 et 1960, les eaux littorales y ont été contaminées par des rejets de mercure, provoquant des décès dus à la consommation de poisson.
Après ce scandale, l’utilisation des métaux lourds a diminué. » Mais, depuis, la palette des polluants s’est élargie. « Le monde n’a jamais connu autant de molécules différentes », poursuit Yves Lévi. De fait, des millions de molécules sont relâchées chaque jour dans la nature. Inoffensives pour la plupart, elles finissent toutes par arriver dans ce réceptacle final : l’eau.
« Aujourd’hui, reprend le chercheur, la vraie question est : quel est le risque environnemental et sanitaire lié à ces mélanges de molécules ? 0n ne peut plus étudier uniquement les dangers du plomb, mais ceux du plomb plus les perturbateurs endocriniens du plomb plus les retardateurs de flamme, du plomb plus les médicaments, etc. » L’exemple des résidus médicamenteux, qui ne représentent qu’une infime partie des rejets de substances dans la nature, illustre cette complexité. Plus de 3 300 molécules thérapeutiques ont été identifiées. Impossible de les rechercher toutes! On les retrouve dans les eaux usées par le biais des urines, des effluents hospitaliers ou des effluents agricoles pour les médicaments vétérinaires. Comme aucune réglementation portant sur les critères de qualité des eaux n’exige de contrôle sur ces résidus, les peurs et rumeurs prospèrent. L’Anses, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, a étudié la présence de 45 produits pharmaceutiques dans les eaux brutes et les eaux traitées. Elle a publié en 2011 ses premiers résultats : outre la caféine, les molécules les plus fréquemment détectées sont la carbamazépine, un antiépileptique, et l’oxazépam, un anxiolytique. Selon le rapport, plutôt rassurant, les concentrations restent néanmoins très faibles. Mais si l’on ne peut encore étudier tous les micro polluants, les effets nocifs de certains d’entre eux sont connus depuis longtemps: dioxines, bisphénol A et autres PCB restent dans l’environnement plusieurs décennies et agissent sur l’équilibre des espèces vivantes.
Ces perturbateurs endocriniens provoquent des dérèglements hormonaux sur la faune aquatique. On a ainsi noté une baisse de la production de spermatozoïdes chez les poissons. . . Prohibés en France depuis plus de vingt ans, les PCB n’ont toujours pas disparu; ils se concentrent dans le gras des espèces aquacoles. En 2008, la consommation de certains poissons comme l’omble chevalier du lac du Bourget a d’ailleurs été temporairement interdite. Et il est toujours recommandé de limiter la consommation d’espèces comme les anguilles, les barbeaux, les brèmes. ..
Toutefois, les niveaux d’imprégnation dans la population française ont diminué depuis les années 1980. Que faire pour connaitre mieux les effets de ces cocktails de molécules? «Le problème des micro polluants est international. Or, chaque pays bricole un peu dans son coin, regrette Yves Lévi. On crie au loup à longueur de congrès internationaux, mats il ne se passe rien. Il faudrait par exemple un grand institut d’écotoxicité en Europe. Mais le risque n’est pas considéré’ comma un enjeu international majeur. Les périls sont diffus et les contre-lobbies puissants. » Encore vaut-il mieux être en France qu’en Inde ou au Zimbabwe, où la situation est autrement plus catastrophique. Dans l’absolu, on sait aujourd’hui produire de l’eau potable à partir du lisier. Une prouesse technologique très coûteuse, qui ne répond que de manière incomplète à l’impérieuse question posée par l’organisation de protection de la nature WWF dans son rapport « Eau de boisson » publié en 2011 : « Jusqu’à quel point pourra-t-on potabiliser de l’eau brute de plus en plus polluée? »
Source :
Hors série Sciences et Avenir octobre-novembre 2012
Sur ce site :
l'eau passeuse de conscience (article à venir)