Nous dormons avec, mangeons avec, et le manipulons en moyenne plusieurs dizaines voire pour certains plusieurs centaines de fois par jour. Comment le smartphone est-il devenu le «doudou numérique» de l’homo modernicus ?
Outil formidable, le smartphone a révolutionné notre quotidien. Pour le meilleur et pour le pire. Photo CC0 Flash-back : nous sommes en 1997, Chirac vient de dissoudre l’Assemblée et le DVD s’apprête à remplacer la VHS. La « révolution numérique » est encore au berceau, mais l’internet balbutiant promet de devenir un formidable outil d’émancipation.
Enfin la connaissance à portée de tous ! Quant au smartphone, il n’est encore qu’une chimère dans la tête de Steve Jobs.Vingt ans plus tard, c’est la gueule de bois numérique. Oh, la promesse a bien été tenue : grâce aux smartphones qui encombrent nos poches depuis déjà une décennie, tous les savoirs sont accessibles, partout, tout le temps. Au lieu de quoi, nous passons des heures à regarder des vidéos de chats, commenter des photos de sushis et consulter des notifications. Que s’est-il donc passé ?
L’année qui se termine a été marquée par une prise de conscience : nos smartphones nous rendent dépendants. Les services qu’ils hébergent sont sciemment conçus pour nous rendre accros. Qu’espérer d’autre, alors que la fortune des géants de la Silicon Valley s’est bâtie sur l’« économie de l’attention » ? Plus vous restez, plus vous cliquez, plus vous participez, plus les publicitaires paient et plus ça rapporte.
Une histoire de dopamine.
Résultat : dérouler son fil Twitter, parcourir son mur Facebook ou aimer des photos sur Instagram est devenu un comportement compulsif chez des millions de personnes. Et cela, quand bien même elles n’en tirent aucune satisfaction réelle. Une étude parue en février dans l’American journal of epidemiology a même démontré que plus on utilise Facebook, plus on est susceptible de se sentir mal dans sa vie…
Qu’est ce qui nous retient devant nos écrans, alors ? Beaucoup de psychologues réfutent le terme d’addiction dans le sens médical du terme. Mais le rôle de la dopamine est de plus en plus évoqué. Recevoir une notification ou rafraîchir son mur Facebook provoqueraient de « mini-décharges » de cette hormone, qui joue un rôle majeur dans le circuit de la récompense. D’où une certaine forme de dépendance – mais aussi souvent de déception : selon les dernières recherches, la dopamine ne procurerait aucun plaisir en tant que telle, mais pousserait à répéter l’expérience dans l’espoir d’en tirer satisfaction.
La France interdit, Facebook démine
En France, le ministre de l’Éducation nationale a récemment confirmé que les téléphones portables seraient interdits dans les écoles et collèges à partir de la rentrée prochaine. Le débat est désormais sur la place publique. Et preuve qu’il est pris au sérieux : les géants de la tech ont sorti les boucliers.
Récemment, Facebook s’est ainsi fendu d’un long article sur la question. Concédant qu’une utilisation passive des réseaux sociaux pouvait engendrer un sentiment de dévalorisation, les chercheurs de l’entreprise encouragent les utilisateurs à davantage interagir avec les autres. Et qui sait ? Peut-être pourrez-vous offrir à vos proches une petite décharge de dopamine…
Smartphone et cerveau
Internet nous rend-il bêtes ? En 2010, c’était le titre d’un essai remarqué de Nicholas Carr. Mais consulter son téléphone cent fois par jour rend-il idiot ? Des chercheurs canadiens de l’université de Waterloo se montrent rassurants : il n’existerait aucune corrélation entre intelligence et usage des réseaux sociaux. En revanche, ce que plusieurs études ont démontré, c’est que la présence d’un smartphone a tendance à faire fondre nos capacités cognitives : même écran éteint, l’engin monopolise une partie de notre attention s’il est dans notre champ de vision…
Facebook en perte de vitesse
Avec ses deux milliards d’utilisateurs, Facebook reste le roi des réseaux sociaux. Le temps passé sur ce dernier est toutefois en chute libre : de 32 h par mois l’an dernier (soit plus d’une heure par jour !), le temps de consultation moyen est redescendu cette année à 18 h par mois, selon Verto Analytics. Mais il pourrait bien s’agir d’un simple effet de vases communicants : le temps passé sur d’autres services comme Snapchat, Instagram, Twitter ou Reddit a, lui, augmenté.
Un phénomène de masse
Quasiment trois Français sur quatre possèdent désormais un smartphone, et 67 % des Français de plus de douze ans ont été actifs sur les réseaux sociaux au cours des douze derniers mois, selon une étude de Credoc. Tous ne sont pas accros, mais d’après le cabinet Deloitte, l’an dernier, quatre Français sur dix consultaient leur smartphone en pleine nuit, et un sur cinq au réveil.
La nomophobie
Il fallait bien inventer un terme pour désigner la peur panique d’être privé de son téléphone portable. C’est la nomophobie. Contraction de « no mobile-phone phobia », le terme a été imaginé en 2008.
Source : DNA du 24.12.2017
A voir :
La vidéo des Dr. Ducanda et Terrasse PMI.
L'émission "envoyé spécial" de Élise LUCET du 18 janvier 2018 (56 minutes environ)
Autre vidéo (environ 3 minutes)sur l'addiction aux écrans chez les enfants
Sur ce site, j'évoque ce problème depuis bien longtemps :