10%, c’est le pourcentage de Français atteignant la fréquence de consommation de 5 fruits et légumes par jour, recommandée par le Plan national nutrition santé. Alors que la quantité de légumes consommés est en légère augmentation chez les femmes adultes entre 1998 et 2007 (+7,3 %), elle stagne chez les hommes et les moins de 18 ans (6). Les populations sous-consommatrices (moins de 3,5 portions de 80 g/jour) sont principalement les ménages disposant de faibles revenus et les jeunes (7).
Vantés par les plus grands chefs, panais, topinambours et pâtissons font leur retour dans nos assiettes. Cette vogue, qui répond à la volonté de manger davantage de légumes, de saison, a-t-elle des vertus nutritionnelles ?
Longtemps bannis de nos menus car considérés connue trop « rustiques » et associés à des périodes de privation comme la Seconde Guerre mondiale, potimarrons, panais, bettes, et topinambours font un retour remarqué. Un comeback qui doit beaucoup à l’impulsion de grands chefs étoilés qui vantent leurs couleurs attrayantes, leurs formes bizarres et leurs textures particulières. Cette tendance s’inscrit en fait dans une volonté de manger des produits frais, de saison, ayant suivi un circuit de distribution court, valeurs auxquelles un nombre croissant de consommateurs européens semble adhérer, selon une étude de la Commission européenne (1). Un mouvement évidemment facilité par le potentiel des fruits et légumes à s’inscrire dans une alimentation équilibrée, connue le rappellent régulièrement et avec insistance les campagnes du Plan national munition santé.
Mais, à la morne saison, quand les étals affichent des provenances exotiques et des prix de plus en plus prohibitifs, le slogan des « 5 fruits et légumes par jour » est difficile à suivre. Or, il est possible de consommer des légumes frais au cœur de l’hiver sans se contenter de poireau et de pomme de terre ni passer par la serre, le hors-sol, ou l’importation. D’autant plus que les qualités nutritionnelles et la richesse en vitamines de ces vieux tubercules ou légumes-racines sont bien réelles.
Les légumes anciens présentent de nombreuses variétés, qui peuvent être classées en six familles. Les trois premières, légumes-feuilles (oseille, cardon, épinard-fraise...), légumes-fruits (pois gourmands, pâtisson, potimarron, chayotte) et légumes-condiments (ail des ours, feuilles de moutarde) sont très peu énergétiques (15 à 30 kcal/ÎÛO g) et riches en Vitamine C. Les légumes-racines (panais, crosne, topinambour) et les légumes-fleurs (chou romanesco) sont aussi peu caloriques (30 à 60 kcal/ 100 g) et représentent une bonne source de provitamine A et de vitamine C. Les légumes-graines (fèves, flageolets) sont en revanche plus caloriques (60 à 90 kcal/100g) car ils contiennent des glucides à assimilation lente. Ils sont également riches en fibres, fer et magnésium.
Leurs couleurs vives témoignent de leur richesse en pigments végétaux, des antioxydants. La majorité de ceux-ci appartiennent à la famille des caroténoïdes. Les principaux sont le bêta-carotène (potiron, potimarron), la lutéine, la zéaxanthine (choux de Bruxelles) et la bêta-cryptoxanthine (potiron). Ils ont pour action de neutraliser les radicaux libres, caractérisés par la présence dans leur structure d’un seul électron. Le bêta-carotène et la bêta-cryptoxanthine sont aussi des précurseurs de la vitamine A, qui joue un rôle important dans la vision (2).
Ils permettent de faire le plein de vitamine B9 et C. La première, également appelée folate ou acide folique, tire son nom du lieu de sa découverte : les feuilles des légumes. Présente dans l’eau des aliments, elle est sensible à la cuisson et son apport journalier recommandé (AJR) est de 200 microgrammes (μg). L’épinard-fraise en fournit 192 μg et le pâtisson 170 μg pour 100 g. Elle participe à la synthèse et à la dégradation des protéines ainsi qu’au fonctionnement cérébral (2).
La vitamine C est également présente avec 40 mg pour l’épinard-fraise et 12 mg pour le potiron pour 100 g, pour des AJR de 60 mg. Elle jouit de propriétés anti oxydantes, favorise la cicatrisation et l’assimilation du fer et participe à la défense contre les infections bactériennes et virales.
Ils possèdent des molécules protectrices contre le cancer, à l’instar des fruits et des autres légumes, seuls aliments à pouvoir prétendre à un effet protecteur dans le cancer des voies digestives, comme le souligne une étude du World Cancer Research Fund (3). Choux vert, blanc, rouge, de Bruxelles, romanesco, rutabagas (ou choux-navets) et pousses de moutarde - tous de la famille des crucifères - ont en outre la particularité d’être dotés de composés soufrés (les indoles et les isothiocyanates). Des études in vitro ont montré l’action protectrice de ces molécules, par la stimulation d’enzymes détoxifiantes qui leur confèrent un effet préventif contre le cancer du côlon (4). Les crucifères doivent toutefois être consommées crues pour préserver ces composés, qui perdent, durant la cuisson, leur intérêt, provoquant même souvent des flatulences.
Ils favorisent le transit intestinal grâce à leur richesse en fibres, surtout les panais, cardons, topinambours et salsifis. Les fibres stimulent en effet la fermentation colique. Leur dégradation partielle par les bactéries saprophytes fournit des sucres simples qui stimulent le développement de la flore intestinale. Elles limitent également l’absorption des glucides et des lipides en formant un gel qui minore le contact du bol alimentaire avec la muqueuse digestive. Cela les rend intéressantes pour les diabétiques, et dans la prévention des maladies cardio-vasculaires (5). En excès, elles peuvent cependant être la cause des troubles intestinaux et irriter les intestins des personnes les plus sensibles.
Cardon Panais Pâtisson potimarron
Lexique
Cardon : comme l’artichaut, il descend du chardon sauvage. Sa richesse en inuline, un sucre non assimilable, explique sa faible valeur calorique. Crosne : petit tubercule originaire d’Asie, se consommant cru, cuit ou macéré. Il est riche en stachyose, un sucre non digestible provoquant des flatulences.
Panais : d’origine méditerranéenne, cette grande carotte blanche, qui appartient à la famille des apiacées, ne contient pas de carotène d’où sa couleur plus pâle que sa cousine.
Pâtisson : ou bonnet-de prêtre. Demi-sphère blanche, verte, jaune ou bicolore, cette cucurbitacée est une cousine de la courgette.
Sources :
(1) Eurobaromètre Standard 73 : l’opinion publique dans l’union européenne. Printemps 2010. TNS opinion & social pour la commission européenne. (2) Manuel pratique de nutrition, Dr Jaques Médart, éditions de Boeck, 2009 (3) World Cancer Research Fund, « food, nutrition, physical activity, and the prevention of cancer: a global perspective», novembre 2007. (4) Dietary lndoles and lsothiocyanates that are generated from cruciferous vegetables can both stimulate apoptosis and confer protection against DNA damage in human colon cell Line, Christine Bonnesen et al, Cancer Research 61, 6120 — 6130, August 15, 2001. (5) Biochimie : bases biochimiques de la diététique, Olivier Masson. Editions TECDOC, 2007. (6) Etude individuelle nationale des consommations alimentaires 2 (lnca2) 2006-2007 ; Afssa, septembre 2009, www.anses.fr (7) Les fruits et légumes dans l'alimentation : enjeux et déterminants de la consommation, expertise scientifique collective de l’lnra. Éditions Quae, novembre 2007.
Sciences et avenir n° 781 - mars 2012
Fève Flageolet Oseille Topinambour
Dr Denis Richard, Chef de service à la pharmacie centrale du centre hospitalier Henri-Laborit, à Poitiers
Auteur du Guide santé des fruits et des légumes, Delachaux et Niestlé
L’intérêt majeur des légumes anciens tient à leur variété qui permet à la fois de les consommer frais tout au long de l’année, mais également de les cultiver partout. En effet, très résistants, ils s’adaptent aux spécificités de chaque sol. La plupart des courges, à l’instar du potimarron, se conservent également très bien pendant plusieurs mois dans une pièce fraîche et sombre. Leurs qualités nutritionnelles sont préservées parleur peau épaisse qui les protège de la lumière et de l’oxygène. Même pour les plus fragiles qui peuvent être bien conservés par la congélation, à condition que celle-ci survienne rapidement après la cueillette. »