864 millions d’euros C’est le chiffre d’affaires annuel réalisé en France par les restaurants de sushis selon une analyse en 2011 du cabinet Gira. Sushis, makis ou sashimis... Les préparations à base de poisson cru sont réputées diététiques. Mais ces bouchées peuvent être caloriques et véhiculer des parasites.
La cuisine japonaise a le vent en poupe. Auréolée du titre de « patrimoine immatériel » de l’Unesco depuis à peine plus d’un an, elle n’est plus la chasse gardée des restaurants haut de gamme. Réputée diététique, elle décline de nombreuses saveurs et propose de petites portions travaillées sans matière grasse. Son image est associée à l’étonnante longévité des Japonais et notamment à celle des habitants de l’île d’Okinawa (1), connue pour ses nombreux centenaires.
Toutefois, contrairement aux idées reçues, les calories ne sont pas toujours absentes des plats proposés. Et l’ingestion de poisson cru n’est pas sans risques. Mais chacun peut toutefois puiser dans le modèle nippon, basé sur le respect des aliments et du corps, de bonnes attitudes alimentaires applicables à notre cuisine de terroir : utiliser peu de matière grasse, peu de sucre et peu de viande. Et s’astreindre à l’« hara hachi bu », soit à « manger moins pour vieillir mieux » en s’appliquant à toujours quitter la table sans être rassasié.
Sushis et makis sont riches en nutriments...
Sushis, makis et sashimis (fines tranches de poissons) sont généralement constitués de poissons gras (thon, saumon, anguille, sardine) qui constituent une bonne source de protéines et d’oméga 3, essentiels à la fluidité du sang et au développement cérébral. 150 g de poisson gras cru couvrent environ 20 % des besoins hebdomadaires en oméga 3 (2). Les feuilles d’algue nori qui entourent les makis sont aussi une bonne source d’iode, un oligo-élément rare mais nécessaire à la production des hormones par la glande thyroïde. Incontournable dans les assiettes nippones, le riz fournit quant à lui des sucres complexes, les glucides devant couvrir la moitié des apports nutritionnels quotidiens selon les recommandations. Ce riz blanc, très cuit, présente toutefois un indice glycémique (IG) élevé (70 à 80) qui limite sa consommation par les personnes diabétiques.
...mais aussi parfois en calories
En dépit de leur image « minceur », certaines de ces bouchées sont assez caloriques. Il faut compter environ 80 kcal pour une paire de nigiris (petit sushi de saumon ou de thon), mais l’addition calorique peut grimper aux environs de 150 kcal pour 5 tranches de sashimis de saumon (100 g) et jusqu’à près de 300 kcal pour six makis californiens... avec avocat et mayonnaise l Mieux vaut donc veiller à choisir des préparations les plus simples possibles.
Le poisson cru peut être vecteur de parasites...
L’absence de cuisson empêche l’élimination des parasites. La principale parasitose provoquée par l’ingestion est ainsi l’anisakiose. Les vers anisakis, de 3 cm de long, migrent dans les chairs des poissons marins non évidés au moment de la pêche. Ils se fixent ensuite aux muqueuses digestives de l’homme entraînant ulcères, allergies et même parfois perforations digestives. Considéré à tort comme un parasite exotique, l’anisakis se retrouve dans 71 % des saumons pêchés dans les eaux européennes (3). Toutefois, moins d’une dizaine de cas surviennent chaque année en France contre 2500 environ au Japon (4).
Afin d’éviter toute contamination, les modalités de pêche industrielle imposent de vider le poisson directement sur les bateaux, mais le risque zéro n’existe pas et les petits pêcheurs ne sont pas soumis à cette obligation. À moins de s’armer d’une pince et de patience, la congélation à — 20 °C pendant sept jours est le plus sûr moyen d’éliminer le risque infectieux avant de consommer du poisson cru. Elle est obligatoire dans les restaurants.
et contenir des contaminants chimiques et des métaux lourds
Les poissons gras (thon, saumon et surtout anguille) sont des prédateurs situés en fin de chaîne alimentaire et donc susceptibles de cumuler certains contaminants chimiques (dioxines, mercure, PCB) dont l’action, notamment toxique, sur le système nerveux central est particulièrement délétère chez le fœtus. Depuis 2013, l’Anses recommande aux femmes enceintes et allaitantes de limiter leur consommation (5).
Le wasabi est un antidote contre les intoxications alimentaires
Condiment le plus populaire de la cuisine nippone, le wasabi est une plante d’origine japonaise dont la racine, râpée, est transformée en pâte. Cette plante étant rare et coûteuse, les produits vendus sous ce nom sont le plus souvent composés de racine de raifort mélangée à de la moutarde et à un colorant vert. Wasabi et raifort appartiennent à la famille des plantes crucifères, riche en glucosinolates. Mâchées ou broyées, ces molécules initialement inactives se transforment au contact d’enzymes de la plante — les myrosinases — en molécules à haute valeur antioxydante : les anthocyanates. Des tests réalisés in vitro ont mis en évidence la capacité des anthocyanates à inhiber la formation de substances cancérogènes. Enfin ces anthocyanates possèdent également un effet antimicrobien qui explique leur utilisation par la médecine traditionnelle nippone comme antidote des intoxications alimentaires, raison pour laquelle ils sont consommés en association avec la viande et le poisson crus (6).
L’« umami » est associé à une meilleure alimentation
Considéré comme la cinquième saveur, l’« umami » — qui signfie délicieux en japonais — est décrit comme un goût persistant et appétissant de « bouillon » ou de « viande ». Cette saveur est perceptible dans les soupes de miso, le soja fermenté, ou encore le thé vert Une récente étude (7) a montré que si la perception du goût se dégradait avec l’âge, les personnes âgées qui conservent un bon seuil de perception de l’umami ont un comportement alimentaire plus sain et un meilleur état de santé général que les autres. Selon cette même étude, l’umami aurait également une capacité supérieure aux quatre autres saveurs (amer, sucré, acide, salé) à stimuler les glandes salivaires et donc l’appétit.
Lexique
Umami. Saveur identifiée en 1908 par le Dr Kikunae lkedae dans du dashi, fond de bouillon traditionnel composé d’algue kombu, de champignons et de bonite séchée. Cette saveur provient de l’association de l’acide inosinique, de l’acide glutamique et de l’acide guanylique présent dans divers aliments
Indice de glycémie. l’lG de référence est celui du glucose qui est égal à 100. En dessous de 55 on parle d’lG bas, entre 55 et 70 d’lG modéré et dessus de 70 d’lG élevé. Plus l’indice est haut, plus les glucides font rapidement et fortement grimper la glycémie.
Sources
(l) The Okinawa Centenarian Study.
(2) Dietary intakes anf food sources of n-G and n-3 PUFA in French adult men and women. Lipids, juin 2004.
(3) FAO – Assessment and Management of Seafood Safety and Quality.
(4) Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation : Poissons et produits de la pêche : synthèse des recommandations de l’Agence, avis publié le 05/07/2013, disponible sur www.anses.fr
(5) Projet de recherche Fish-Parasites : www.fish-parasites.com
(6) Antimicrobial effect of spices and herbs on Vibrio parahaemolyticus, Yano Y et al, lnt J Food Microbiol, 2006.
(7) The important role of umami taste in oral and overall health, Takashi Sasano et al, Flavour, 2015.
Marie-Noëlle Delaby - Sciences et Avenir mai 2015 n° 819.
ISABELLE RlGAUD-MALLET Nutritionniste, à Paris
Attention aux produits d’inspiration nippone
« Beaucoup de produits proposés par les chaînes de restauration d’inspiration japonaise, comme les cacahuètes au wasabi, les yakitoris (brochettes de viande), les makis frits ou au thon mayonnaise, ou encore les mochis (gâteaux à la farine de riz gluant très sucrés) n’ont pas grand-chose à voir avec le régime traditionnel d’Okinawa qui fait la part belle aux poissons maigres, aux légumes et comporte très peu de viande et de sucre. Mais certains éléments nutritionnels intéressants restent présents comme le thé vert, les algues wakamé et nori ou encore le gingembre frais qui sont riches en antioxydant et agissent contre le vieillissement cellulaire. Attention enfin à ne pas abuser des sauces, très riches en sel ou en sucre. »