Avec ou sans gluten ? Plus ou moins de lait ? Les brocolis : bios, crus ou cuits ? Manger est une activité vitale, instinctive, naturelle. Mais « bien »> manger n’a rien d’une évidence. Or les nouvelles découvertes scientifiques nous apprennent à quel point l’alimentation joue un rôle crucial dans le fait d’être et de demeurer en bonne santé.
Elles lèvent chaque jour davantage le voile sur l’influence qu’a notre régime alimentaire, protecteur ou délétère, dans le développement des grandes maladies de notre temps que sont le diabète, les maladies cardio-vasculaires ou dégénératives. Une somme d’informations prometteuse mais aussi considérable, et parfois contradictoire.
Comment mettre à contribution ces découvertes dans notre vie quotidienne, alors que les modes se succèdent en matière de normes et de prescriptions alimentaires ? Mises en garde et préconisations finissent par donner le tournis, voire à rendre anxiogène ce qui devrait être, d’abord, une source de plaisir. Crises et fraudes sanitaires ont également terni l’image de l’industrie agroalimentaire. Quant au grand écart occidental entre une offre de nourriture pléthorique, pantagruélique, et l’obsession de la minceur incarnée par des mannequins faméliques, il contribue aussi à brouiller les repères.
Recadrer les règles du « bien manger », donner du sens à ce que notre corps et la science nous apprennent, sans verbiage mais avec le discernement et l’appui d’experts de l’alimentation : voilà l’objectif de cet abécédaire, qui répond, sous une forme ludique — en 31 suggestions dont 7 conseils essentiels et trois idées selon notre mode de vie — aux questions que se pose (ou devrait se poser) tout consommateur avant de composer ses repas.
Première partie : de A à E
1. Acide.
Le fragile équilibre acide-base Le ratio acide-base de notre alimentation n’est pas l’indicateur le plus connu; il permet pourtant de comprendre un certain nombre de troubles de la santé: fringales intempestives, fatigue chronique, perte de calcium osseux, affaiblissement du système immunitaire. En matière d’équilibre acide-base, le corps a très peu de marge de manœuvre: il doit maintenir un pH (potentiel hydrogène) presque constant, entre 7,36 et 7,42. Or le raffinage des aliments, l’augmentation de la consommation de sucres, graisses, viandes, le stress chronique ont conduit à une acidification générale. « Durant ces 50 dernières années, notre alimentation s’est plus modifiée que durant les 50 derniers siècles, explique le docteur Yann Rougier (Auteur de Voulez-vous maigrir avec moi? La méthode SLlM—data, Albin Michel 2007), médecin nutritionniste spécialisé en neurobiologie. Une des conséquences de ces changements rapides est l’apparition d’un terrain acide pouvant aboutir à une sub-acidose métabolique latente. »
Quand notre corps n’arrive plus à éliminer les acides, ceux—ci s’accumulent dans les tissus, accélérant les processus de vieillissement. Pour y remédier, il faut privilégier les aliments alcalinisants, notamment les fruits et légumes, riches en potassium, magnésium, calcium, et en citrate et malate. À noter que le citron ou le vinaigre sont à ranger dans cette catégorie, malgré leur goût acide l « On estime que l’alimentation santé devrait se répartir entre 30 % d’aliments acidifiants et 70 % d’aliments alcalinisants », résume le docteur Yann Rougier.
2. Ananas : Existe-t-il vraiment des aliments brûle-graisse?
Manger pour maigrir: voilà qui fait rêver régulièrement celles et ceux qui s’estiment en surpoids. Hélas, « aucun aliment ne fait maigrir,- l’assertion contraire est fausse, imaginaire, même si elle est récurrente », constate le docteur Dominique-Adèle Cassuto (Auteur de Qu’est-ce qu’on mange ? L’alimentation des ados de A à Z, Odile Jacob 2013).
La bonne réputation de l’ananas, au-delà de sa richesse en fibres et en vitamines, vient de la bromélaïne, une enzyme capable de dégrader les protéines en acides aminés, mais qui est avant tout présente... dans la tige et les racines de ce fruit.
3. Appétit : d’où vient-il ?
Lorsque le taux de glucose dans le sang diminue, des messagers chimiques neuro hormonaux viennent activer le centre de la faim situé dans l’hypothalamus latéral. Celui-ci est également alerté par la ghréline, découverte en 1999, et la leptine, une autre hormone qui analyse le niveau de lipides. L’hypothèse d’une association entre la ghréline et des anticorps est actuellement à l’étude pour expliquer la prolongation de la sensation d’appétit chez les personnes obèses.
CONSEIL N°1 du Bio…et des incertitudes
À l’automne 2013, un rapport de l’lnra sur l’agriculture biologique estimait que les qualités nutritionnelles des produits issus de l’agriculture bio n’étaient pas sensiblement différentes de celles des produits de l’agriculture conventionnelle. Immédiatement, plus d’une centaine de chercheurs en agronomie dénonçaient un rapport « orienté » et demandaient une nouvelle évaluation. « On a du mal à avoir des certitudes, reconnaît le docteur Dominique-Adèle Cassuto. Ce qui est certain, c’est que le tout bio garantit que l’on n’a pas affaire à des pesticides; en revanche on peut se poser la question de la présence de certains métaux lourds. » Il semble néanmoins que les consommateurs bio soient moins sujets à l’obésité que la moyenne de la population, avec des apports plus nombreux de vitamines, minéraux, oméga 3 et fibres. Mais il est difficile de faire la part entre leur alimentation à proprement parler, et le fait qu’il s’agisse souvent de consommateurs avertis et soucieux de leur bonne santé.
« Il faut pouvoir comparer des profils semblables sur tous les points en dehors du recours aux aliments biologiques », souligne Serge Hercberg, professeur de nutrition à l’université Paris-XIII et pilote de l’étude NutriNet santé", qui vise à étudier les comportements alimentaires de 500 000 internautes. Une sous-catégorie de cette étude baptisée BioNutriNet a donc été lancée l’année dernière. Résultat en 2019 après analyse de 100 000 profils...
On recherche toujours des volontaires pour participer à cette étude : Inscription
4. Chocolat : Bon pour la santé ! Magnésium, fer, cuivre, zinc, phosphore, Vitamines A et B, caféine tout cela contenu dans un petit carré de chocolat. On aurait tort de s’en priver... A condition que le chocolat soit noir, avec une teneur élevée en cacao (7O % minimum) pour avoir plus de fibres et moins de sucre. L'es flavanols de la fève de cacao en particulier sont antioxydants et bénéfiques pour le cœur. L’Efsa (l’Autorité européenne de sécurité des aliments) a même autorisé une entreprise suisse à apposer la mention « bon pour la santé » sur ses produits.
5. Compléments alimentaires : Faut-il en consommer?
Minceur, digestion, ménopause, beauté, tonus : en gélules, en poudre ou en comprimés, les compléments alimentaires sont plébiscités par les consommateurs. Près d’un adulte sur cinq en consommerait. Selon l’Anses (l’Autorité nationale de sécurité alimentaire), ils présentent un intérêt pour certaines populations: femmes enceintes, personnes âgées par exemple. A l’inverse, « pour la grande majorité de la population, une alimentation équilibrée permet d’apporter l’essentiel des nutriments nécessaires pour couvrir les besoins », estime l’Anses.
6. Cuisson : Quelle est la meilleure?
En termes de cuisson, il existe un consensus sur deux points. D’une part, la cuisson à la vapeur est excellente pour la santé. Avec son temps de cuisson rapide, elle évite la destruction de vitamines (surtout C), et elle s’effectue sans matière grasse.
D’autre part, les barbecues sont à limiter. Selon l’Anses, la cuisson d’aliments à des températures élevées, en contact direct avec la flamme, conduit à la formation de composes chimiques dont certains, comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), ont des propriétés cancérogènes. La friture, elle aussi, fait l’objet de réticences car elle est très calorique. Le wok a le vent en poupe tandis que la cuisson au four traditionnel continue à remplir parfaitement son rôle, surtout quand elle est relativement courte. La cuisson au four à micro-ondes a longtemps été source de polémiques. « Comme elle modifie la structure des protéines des aliments, on l’accusait d’être le point de départ de la formation d’allergènes, explique le docteur Pierre Nys (Auteur de Plus jamais mal au ventre avec le régime Fodmaps, Leduc 2015). Mais ce débat est désormais dépassé et cette cuisson est entrée dans les mœurs. »
A savoir : plus un aliment cuit longtemps, plus on augmente son index glycémiques, c’est-à-dire la façon dont sa consommation agit sur la glycémie (le taux de glucose dans le sang). Ainsi des carottes crues ont un index glycémique de 45; en purée, celui—ci passe à 80. Pour autant, la cuisson permet de libérer d’autres vitamines et sels minéraux, rend plus digestes les fibres et tue les bactéries.
Du côté des seniors
La dépense d’énergie est plus importante que chez les plus jeunes car l’utilisation par l’organisme des sucres et des graisses, ses principaux carburants, décroit. ll est donc conseillé de manger un peu plus riche en prenant un gouter et/ou une collation en milieu de matinée, par exemple du pain avec du fromage et un fruit est le moment de se faire plaisir.
Passé 65 ans, pour conserver au mieux son capital musculaire, il est également bon de consommer des aliments riches en protéines au moins une fois par jour. Enfin, si le capital osseux se constitue essentiellement à la puberté grâce au calcium et à la vitamine D, certains facteurs nutritionnels sont associés a une diminution du risque d’ostéoporose chez la femme, comme l’activité physique (surtout la marche) et la consommation de fruits et légumes.
7. Doigts : Des vertus insoupçonnées Manger avec les doigts peut contribuer au bien-être des malades ! Les troubles liés à la maladie d’Alzheimer perturbent en effet l’alimentation des malades qui éprouvent des difficultés à mâcher ou a utiliser correctement leurs couverts. A la longue, cette situation peut conduire à la dénutrition et aggraver leur état de santé. Des chercheurs ont donc imagine des repas sous forme de petites bouchées adaptées à leurs difficultés afin qu’ils conservent un maximum d’autonomie. Le « finger food » a ainsi été adopté par de nombreuses maisons de retraite. Au diable donc les bonnes manières !
8. Eaux : Pourquoi il faut varier
Eaux riches en calcium, en magnésium, en sodium... pas toujours facile de s’y retrouver. La règle de base est simple: il faut varier sa consommation d’eau minérale et l’adapter a chaque situation. Pour la fatigue, une eau riche en magnésium, pour les femmes enceintes, une eau qui contient plus de calcium, pour les personnes cardiaques, éviter les eaux concentrées en sodium. L’eau du robinet reste en France de bonne qualité.
Sa composition, commune par commune, peut être vérifiée sur ce site.
Hervé This, physico-chimiste à l’lnra et membre de l’Académie d’agriculture
« Contrairement aux Japonais, on sous-estime l’importance des couteaux de cuisine. Leurs lames doivent être très bien affutées, si l’on ne veut pas dégrader certains aliments au moment de les trancher. Pommes et bananes, par exemple, noircissent quand on les coupe car cette action libère des enzymes et des polyphénols. Une réaction chimique qui modifie le gout et diminue la richesse en nutriments. Il ne faut pas écraser, mais trancher comme avec un scalpel. Idem quand on râpe ou émince des carottes : elles vont commencer à brunir si on ne les cuit pas tout de suite ou si on ne les consomme pas crues très vite.
Il faut alors ajouter de la vitamine C, par exemple du citron, qui rend inactives les enzymes. »
9. Epices : La bonne dose
Leur intérêt principal, c’est d’être un substitut au sel, comme le souligne le chef étoilé Olivier Roellinger, passionné par les épices : « On sort du triangle infernal sel-sucre-gras. On fait chanter et danser la cuisine du quotidien. C’est pourquoi, depuis trente ans, je compose des mélanges. Par exemple, “Trésor Oublié” pour sublimer les pommes de terre : elles ont moins besoin de beurre et de sel en accompagnement parce qu’elles sont bien parfumées. Et puis, dans un dessert avec de la cannelle, on a tendance à intégrer moins de sucre...»
II a également mis au point la « Poudre des vertus », à base de curcuma, d’algues, de gingembre, de fenouil et de poivre, aux qualités antioxydantes. Car c’est aussi l’atout de nombreuses épices, en particulier la cannelle et le clou de girofle. Cependant, comme on les consomme en général en très petites quantités, il faut trouver d’autres apports en antioxydants.
Source : Science et Avenir n° 819 mai 2015.
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