La Cnil reproche au fournisseur Direct Énergie d'avoir collecté des données relevant de la vie privée de ses clients, sans leur consentement.
La commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) vient de taper du poing sur la table. Elle a adressé une mise en demeure à DirectÉnergie, le 27 mars 2018. Elle lui reproche d'avoir collecté des données de consommation par le biais du compteur communicant Linky, sans le consentement de ses clients. En effet, avec ce nouveau compteur électrique, les fournisseurs d'énergie peuvent tout connaître de vos habitudes en accédant à des informations relevant de votre vie privée, comme vos heures de lever et de coucher, ou le nombre de personnes présentes dans votre foyer. De son côté, Direct Énergie aurait considéré qu'en acceptant la pose de Linky, les usagers donnaient leur consentement à la collecte de ces données.
Si l'accumulation d'informations peut permettre aux fournisseurs de développer des offres spécifiques pour aider les foyers à mieux maîtriser leur consommation, au moment des faits, Direct Énergie ne proposait rien de tel. Le fournisseur fautif dispose de 3 mois pour mettre fin à cette pratique. Si vous avez un nouveau compteur, sachez que vos données de consommation ne peuvent être relevées qu'avec votre consentement. Décidément, les polémiques s'accumulent. Précédemment, dans son rapport annuel publié en février, la Cour des comptes a qualifié Linky de dispositif coûteux pour les foyers. Nous lui consacrerons une enquête fouillée dans notre prochain numéro de juin.
16 millions de compteurs Linky devraient être installés dans les foyers français à la fin de 2018.
Le nouveau compteur capable de relever les consommations d'électricité à distance est très controversé. De nombreux usagers le jugent intrusif et potentiellement dangereux. En réponse à votre abondant courrier sur le sujet, voici nos explications, point par point.
Alors qu'Enedis installe quelque 30 000 compteurs Linky par jour en France, l'inquiétude s'étend. Le 5 juin, le collectif d'avocats My-SmartCab devrait déposer un recours en référé devant 18 tribunaux français, au nom des 4000 particuliers ayant rejoint la procédure, contre l'installation dans les foyers de cet appareil communicant. Le collectif entend demander à Enedis, gestionnaire du réseau de distribution d'électricité, de respecter la volonté des consommateurs qui s'opposent au remplacement de leur compteur. Pour les détracteurs de Linky, Enedis est passé en force, sa mise en place n'ayant pas fait l'objet d'un débat contradictoire. De plus, Linky suscite des craintes concernant le respect de la vie privée et la santé. Si elles sont légitimes, elles ne sont pas toujours fondées. Voici notre décryptage.
Ma commune a le droit d'interdire le déploiement du compteur ?
FAUX Selon Enedis, 380 villes ont manifesté leur opposition à la mise en place de Linky sur leur territoire. Mais, à notre con-naissance, celles qui ont défendu leur cause devant les tribunaux ont toutes été déboutées (TA de Pau du 16.2.18, n° 1701289, TA de Montreuil du 7.12.17, n° I 7002 78, TA de Rennes du 9.3.17, n° 1603911).
La justice donne toujours un verdict favorable à l'installation du compteur.
Je peux refuser la pose de l'appareil à l'intérieur de mon domicile.
VRAI Si votre compteur est dans votre logement et non sur la voie publique, la consigne d'Enedis est claire : renoncer au remplacement en cas de refus du propriétaire. Mais alors, le relevé du compteur se fera toujours manuellement. Et la Commission de régulation de l'énergie a donné son accord pour que cette opération manuelle soit, à terme, facturée. Le tarif n'a pas été communiqué. À titre de comparaison, le déplacement d'un technicien qui vient corriger un index de mise en service coûte aujourd'hui 55 €.
Linky est dangereux pour ma santé.
NON PROUVÉ en date de l’article mais il y a du nouveau avec les recommandations de l’ANSS du mois de juin 2019 !
Au même titre que les autres appareils électriques, Linky émet des ondes électro-magnétiques, classées par l'Organisation mondiale de la santé dans la catégorie « possiblement cancérigènes ». La portée de ces ondes est strictement encadrée par la réglementation. À deux reprises, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a conclu à une « très faible probabilité» pour que les champs électromagnétiques des compteurs aient des conséquences sur la santé. Toujours selon l'agence, « les compteurs Linky sont à l'origine d'une exposition comparable à celle d'autres équipements électriques déjà utilisés dans les foyers depuis de nombreuses années ». Le niveau d'émissions électromagnétiques de Linky est 3 fois inférieur à celui d'un écran de télé et 600 fois inférieur à celui d'une plaque de cuisson à induction (avis révisé de l'Anses du 7.6.17, p.10). De même, l'Agence nationale des fréquences (ANFR) a publié un rapport, en mai 2016, sur les niveaux d'ondes émises par ces compteurs. En conclusion, elle indique que les relevés des champs électromagnétiques et électriques sont bien inférieurs aux valeurs réglementaires, même à proximité immédiate de l'appareil (les relevés ayant été effectués à 20 cm de distance).
Des informations personnelles peuvent être divulguées sans mon accord
FAUX mais le doute existe.
Le 27 mars 2018, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a mis en demeure le fournisseur Direct Energie. Ce dernier avait demandé à Enedis de lui transmettre les données de consommation de ses abonnés équipés d'un compteur Linky. Ces informations personnelles ne peuvent être recueillies sans le consentement des intéressés. Or, selon la Cnil, Direct Énergie n'avait pas sollicité suffisamment clairement l'autorisation de ses abonnés. La Cnil a sévèrement ... ... encadré le recueil des données personnelles. Ainsi, toutes les informations sur les habitudes de consommation des ménages disposant de Linky doivent être rendues anonymes. Et Enedis ne peut recueillir les données de consommation heure par heure d'un foyer qu'avec l'accord de l'abonné. Quant à la transmission de ces renseignements détaillés à des entreprises à des fins commerciales, elle requiert également une autorisation préalable. «Linky ne permet pas de savoir à quel moment vous prenez votre douche, à quel moment vous sortez... », a tenté de rassurer Xavier Caïtu-coli, président de Direct Energie lors d'une interview, le 28 avril, sur France Inter. Autre protection mise en place par la Cnil : à partir du ter juillet 2018, Enedis devra permettre aux personnes équipées de Linky d'activer ou de suspendre à tout moment, depuis un espace sécurisé sur internet, la collecte de leurs données de consommation et la transmission de ces informations à des tiers. Elles auront aussi la possibilité de supprimer tout ce qui a déjà été enregistré. Enfin, le risque de piratage ne peut être totalement écarté à l'heure actuelle. Mais aucun historique de consommation détaillée n'est conservé par le compteur. De plus, il est labellisé par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi).
Pour l'instant, Linky ne présente aucun intérêt pour l'usager
VRAI À l'origine, un boîtier affichant la consommation en direct, en kilowattheures ou en euros, devait être installé en même temps que Linky dans les logements, afin d'inciter les occupants à maîtriser leur consommation d'énergie. Le législateur y a finalement renoncé. En revanche, depuis 2017, les données de consommation doivent être mises à la disposition des abonnés dans un espace sécurisé sur le site d'Enedis ou du fournisseur d'énergie. Mais, alors que 8 millions de compteurs Linky ont été posés, seuls 300 000 usagers ont ouvert un espace en ligne. Même si on ajoute les 900 000 ayant demandé à Enedis leur indice de consommation quotidienne, le compte n'y est pas. Il faut dire que, pour l'instant, les abonnements adaptés sont rares. Pourtant, Linky permet de multiplier les possibilités de tarification. Mais les fournisseurs ne se bousculent pas pour proposer de nouvelles offres, à l'exception d'Engie et d'EDF qui ont lancé un abonnement incluant des heures creuses pendant tout le week-end.
L'installation est gratuite, mais l'abonné va la payer plus tard
VRAI Enedis ne cesse de présenter le déploiement de Linky comme une opération blanche pour les clients, le remplacement du compteur n'étant pas facturé. Mais dans un rapport de mars 2018, la Cour des comptes a dénoncé un dispositif coûteux, en évaluant la note à 130 € par compteur. À partir de 2022, Enedis va répercuter le coût du déploiement de Linky (5,7 milliards d'euros, selon la Cour des comptes) sur le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe), la taxe qui lui permet de se financer. Cependant, dans le même temps, le gestionnaire du réseau assure qu'il va réaliser des économies grâce à Linky puisque le relevé manuel du compteur ou l'envoi d'un technicien pour effectuer un changement de puissance n'auront plus lieu d'être. Enedis promet d'en faire profiter ses clients et de rendre d'une main ce qu'il aura pris de l'autre. À surveiller. Linky nous est imposé par Bruxelles ALAIN M. En 2009, l'Union européenne a fixé aux États membres l'objectif de déployer des compteurs d'électricité communicants dans 80 % des foyers à l'horizon 2020 (directive 2009/72/CE du 13.7.09). Bruxelles précisait, bien sûr, que la mise en place de ces équipements devait donner lieu, au préalable, à une étude sur leurs bénéfices pour le consommateur. Avec ces appareils, la Commission estime que les ménages pourraient réduire leurs dépenses énergétiques de 10 %. En France, tous les foyers (35 millions de compteurs) seront dotés de Linky à la fin de 2021.
Aucun texte ne le rend obligatoire
FAUX La mise en place de Linky a été confirmée en 2010 (art. R 341-4 du code de l'énergie). La dénomination commerciale du compteur n'apparaît pas dans le décret. Mais, en indiquant que « les gestionnaires de réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en œuvre des dispositifs de comptage permettant aux utilisateurs d'accéder aux données relatives à leur production », le législateur donne le feu vert à son déploiement.
Je regrette l'absence d'affichage dans tous les logements Jean GAUBERT médiateur national de l’Energie
Linky est loin d'être inutile. Il permet d'obtenir une facture arrêtée à sa consommation exacte ou de changer la puissance du compteur à distance. Néanmoins, je regrette l'absence de l'affichage de la consommation dans les foyers. Cet afficheur devait, dans un premier temps, être réservé aux ménages bénéficiaires du chèque énergie. La loi prévoyait son extension à tous les abonnés. Mais je crains que cette mesure ne soit enterrée par le gouvernement. Avec Linky, il est, certes, possible de connaître sa consommation, mais il faut pour cela créer un espace personnel sur Internet. Or, les particuliers en ont assez de créer des espaces avec un mot de passe pour chaque nouveau service. Quant à ceux qui refuseraient l'installation de Linky à leur domicile, ils doivent être prêts à payer pour la relève de leur compteur. En revanche, le remplacement de l'appareil ne devra pas être facturé : cette opération a toujours été gratuite et doit le rester.
DES INCIDENTS LORS DU BRANCHEMENT Après la mise en place de Linky, de nombreux foyers ont subi des désagréments. «Mon cumulus triphasé de 3 000 watts ne s'enclenchait plus aux heures creuses», nous a ainsi écrit un lecteur des Yvelines. Interrogé sur ce sujet par Le Monde en novembre 2017, le président du directoire d'Enedis, Philippe Monloubou, a reconnu 1 800 incidents, portant essentiellement sur des ballons d'eau chaude. Selon l'UFC-Que Choisir, le problème est bien plus étendu et concerne aussi des lampes tactiles qui ne fonctionnent plus ou des téléviseurs qui s'allument tout seuls. L'association de consommateurs pointe la formation trop succincte des installateurs. Un argument repris par le médiateur de l'Énergie, Jean Gaubert. « Enedis a pressuré ses sous-traitants et leurs techniciens manquent d'expérience», indique-t-il. Mais selon Enedis, une formation de 24 jours est assurée aux 3 500 opérateurs, avant toute intervention. Quoi qu'il en soit, Enedis peut agir localement auprès de l'installateur pour vérifier la cause de la panne et vous dédommager si elle est due à une erreur de branchement.
SOURCE : le Particulier n° 1146, juin 2018 Pascal Franetti