Dans la même semaine, un tribunal a accepté des demandes de particuliers opposés à l’installation de compteurs Linky, alors qu’aucun risque n’est scientifiquement prouvé, tandis qu’un autre a rejeté des requêtes similaires. Le point sur ces décisions contradictoires et encore provisoires.
Mardi, le tribunal de Tours a demandé le retrait ou l’absence de pose du compteur électrique Linky chez treize particuliers qui se disent électro-sensibles (en rejetant 108 autres demandes).
À l’inverse, vendredi, quelque 430 personnes qui s’opposaient à la pose du Linky ont été déboutées par le tribunal de Nanterre. La grande majorité des décisions déjà rendues à travers la France vont également dans ce sens. Si elles sont provisoires, ces décisions contradictoires interrogent.
Quels sont les arguments de la justice à Tours ?
Le tribunal a retenu l’existence d’un « lien de causalité direct » entre la pose du Linky et les pathologies que les requérants qui ont eu gain de cause attribuent à une sensibilité aux champs électromagnétiques (fatigue, etc.).
Pourtant, dans un avis de 2016 et confirmé en 2017, l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) a jugé « très faible » la probabilité que ces compteurs puissent avoir des effets nocifs. Plus largement, les autorités sanitaires ne reconnaissent pas l’existence d’un syndrome d’électro-hypersensibilité (EHS), sans pour autant nier la souffrance des personnes qui disent en être atteintes. Le tribunal de Nanterre a d’ailleurs estimé que les demandeurs n’apportaient pas de preuve « d’un lien de causalité entre leur pathologie et l’exposition aux champs électromagnétiques des compteurs Linky ».
Sur quoi le tribunal de Tours s’est-il appuyé ?
Les gens à qui il a donné raison disposaient de certificats médicaux, attestant qu’ils souffraient de troubles en lien avec les champs électromagnétiques. Or, plusieurs certificats ont été faits par un médecin controversé : le professeur Dominique Belpomme. C’est l’un des rares à reconnaître l’électro-hypersensibilité et à la diagnostiquer chez des patients, au moyen d’une méthode qui n’est pas scientifiquement reconnue.
Il a pour cela été poursuivi par le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) devant ses propres instances disciplinaires, qui sont indépendantes, et la procédure est toujours en cours aujourd’hui.
Pourquoi justice et science s’opposent-elles parfois ?
Parce que deux logiques différentes sont à l’œuvre : causalité juridique et causalité scientifique. « Les deux sont dissociées, la justice peut établir un lien de causalité alors même qu’il n’y a pas de certitude scientifique », explique Jérémy Jourdan-Marques, professeur de droit à l’Université des Antilles.
En clair, la décision de Tours ne veut pas dire que le Linky est dangereux, puisque le tribunal n’a pas les compétences scientifiques pour trancher ce point. Ce que dit le jugement, c’est que le retrait ou l’absence de pose du compteur sont justifiés pour certaines personnes, sur la base des preuves qu’elles apportent (certificats médicaux).
Et maintenant ?
Ces décisions ne sont que provisoires, car prises après des procédures en référé. C’est un point clé, selon M. Jourdan-Marques : « Le but de cette procédure est d’être rapide, pas de juger sur le fond ».
À Tours, la décision favorable aux requérants a été prise « pour figer la situation, avant un jugement sur le fond », ajoute-t-il. Les suites de ces procédures et les jugements sur le fond permettront d’y voir plus clair, en établissant une jurisprudence.
5 000 : Une vingtaine de procédures sont en cours contre Linky, avec plus de 5 000 requérants opposés à une installation du compteur électrique.
Source : DNA du 4 août 2019
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