Est-il possible d’utiliser des sons pour toucher le corps et l’esprit ?
Des chercheurs se sont penchés sur la question et révèlent que, comme le disent les traditions les plus anciennes, notre univers serait de nature vibratoire. Tout comme nous.
Dans les années 1930, un nouveau champ de recherche est lancé : la psycho acoustique. « Harvey Fletcher et Wilden Munson ont publié des études en 1933 qui montrent que les sons peuvent avoir des effets physiques et des impacts psychologiques importants. Le son, plus que les images, stimule par exemple les émotions humaines », explique Pier Rubesa, ingénieur et chercheur en acoustique. L’industrie du cinéma et les agences de communication s’empressent de récupérer ces découvertes.
Alors que Coca-Cola perd son procès pour avoir inséré des images suggestives dans ses spots publicitaires, la multinationale Procter and Gamble est relaxée. Qu’a-t-elle fait… ou pas ? « Le service de communication de Procter and Gamble a utilisé la psychoacoustique pour insérer des sons subliminaux dans ses annonces. Or, cet impact est difficile à mesurer. Avec cette technique, vous stimulez la personne avec du son mais c’est son cerveau qui crée l’effet souhaité. À l’époque, ils n’ont pas réussi à prouver cette action », indique le chercheur. Depuis, un long chemin a été parcouru. Les techniques de mesure des ondes cérébrales se sont perfectionnées. Les courbes le montrent : le son impacte non seulement l’esprit, les émotions, mais aussi le corps. Pouvons-nous utiliser des harmoniques, des rythmes, pour nous soigner ?
Réorganiser le corps.
Helena, devenue paraplégique suite à un accident, est amenée chez Pier Rubesa. Elle ne peut pas bouger, pas parler, elle n’a plus de mémoire. Le chercheur lui dispense un traitement sonore régulier par le biais de son dispositif AudioVitality. Au bout de 4 mois, sa mémoire commence à revenir. Après 8 mois de traitement, elle parle correctement. Elle mange toute seule au 14e mois et finira par se mettre debout et même courir. Son dossier médical indique que la colonne vertébrale était brisée en divers endroits, le cerveau gravement endommagé. Les médecins n’expliquent pas ce rétablissement.
« Stimuler le corps avec du son met nos molécules en vibration. Cela peut permettre d’induire une nouvelle organisation physiologique », explique Pier Rubesa qui a aussi accompagné des personnes souffrant de cancer, de problèmes psychiatriques lourds, ou a permis tout simplement à des athlètes de haut niveau d’améliorer leurs performances. « Attention, je ne donne pas de traitement médical. Je permets au corps, qui sait s’auto réparer naturellement, d’accéder à une nouvelle structuration », précise le chercheur.
En effet, le son, qui est avant tout une vibration, aurait cette capacité de remettre un certain ordre physique. L’industrie utilise ce principe depuis plus d’un siècle pour procéder à la séparation mécanique. Prenez du sable et des gravillons dans un récipient. Secouez-les gentiment. Vous verrez les gros morceaux se séparer des petits. Le son fait cela, il trie. « Ce principe est très important parce qu’il nous fait comprendre combien le son organise la matière selon ses fréquences », appuie Pier Rubesa. Le physicien allemand Ernst Chladni avait déjà montré au XVIIIe siècle – en saupoudrant une plaque de métal de sable fin et en la faisant vibrer avec un archet de violon –, qu’il est possible de produire différents motifs géométriques selon les vibrations induites, dont l’étude est appelée la cymatique. En interagissant de la sorte avec la matière, le son génère aussi des effets thermiques « qui peuvent être utilisés pour des traitements », complète le chercheur.
Une symphonie de fréquences.
Isabelle, pourtant ostéopathe, n’arrive pas à se soigner d’une tension résiduelle à l’épaule. Elle consulte Alain Désir, musicothérapeute et auteur de Cercles de tambour, Le Rythme au cœur du soin. Attention particulière portée à l’épaule pendant une heure. Bain sonore intense. La tension d’Isabelle disparaît et ne revient pas. S’agit-il simplement de mettre en vibration une matière inerte pour la réorganiser ? Non, nous répondent les experts. La science, en premier lieu, nous confirme que le réel est de nature vibratoire. « Tout élément existant sur la terre a une vibration et produit des ondes électromagnétiques », informe le physicien Jean-Paul Bibérian, ancien maître de conférences à l’université d’Aix- Marseille. Cela fait que notre propre corps est, en quelque sorte, ondulatoire. La notion de résonance entre en scène. « Toutes les cellules de notre corps vibrent à une certaine fréquence. La santé résulte d’une entente entre tous ces niveaux qui doivent résonner ensemble de manière harmonieuse », complète Roop Verma, maître de musique indienne sacrée de renommée internationale et enseignante universitaire. Notre organisme serait la somme de milliards de vibrations plus ou moins fines, lentes, rapides, amples… et la santé le résultat d’une cohérence globale de toutes ces fréquences – à l’image d’un orchestre jouant un chef-d’œuvre à l’unisson. Dans cette optique, la maladie résulterait d’une discordance locale de nos fréquences. Que faire ? Parler un langage vibratoire à notre corps, qui semble bien le comprendre.
Ainsi, de nombreuses traditions de par le monde ont développé des sciences du son. « La musique indienne a été créée dans l’optique d’ajuster et de guérir le corps autant que l’esprit. Lorsque nous vibrons au son d’une musique arrangée selon les lois universelles d’harmonie et de rythme, nous pouvons retrouver nos résonances fondamentales à tous les niveaux de l’être », explique Roop Verma. « De nombreuses traditions africaines ou brésiliennes ont développé tout un savoir quant à la nature du son et au rythme à utiliser, aux phrases sonores à construire, pour avoir tel ou tel effet », expose Jean-François de La Chaise, percussionniste, auteur d’Initiation à la magie des percussions. Et ces effets iraient bien au-delà du corps physique. « Le son peut aider à la digestion de souvenirs, à la transformation d’émotions, à l’apparition de nouvelles inspirations. Les soufis disent que la musique est une nourriture pour l’âme. Je constate régulièrement combien elle éveille cette partie noble de nous-mêmes », rapporte Alain Désir.
Élargir la conscience.
Mario Beauregard est chercheur en psychologie et en neurosciences à l’université d’Arizona. Ses études sur la conscience lui valent d’être choisi par le groupe World Media Net comme l’un des 100 pionniers du XXIe siècle. Lorsqu’il demande à ses cobayes, des nonnes carmélites ou des personnes ayant vécu des expériences de mort imminente (EMI), d’entrer en union avec Dieu ou en contact avec la « lumière » décrite lors des EMI, il constate que cela provoque un ralentissement de leurs ondes cérébrales. « Nous avons pu mesurer l’apparition d’ondes lentes de type thêta lorsque que ces personnes entrent dans un état élargi de conscience », note Mario Beauregard. Puisque ces ondes lentes semblent associées à ces états de conscience modifiés, un dispositif qui ralentirait les ondes cérébrales ne pourrait-il pas à l’inverse provoquer un élargissement de conscience ?
À la fin des années 1950, le neurologue Gray Walter, expert en épilepsie, montre que des flashs lumineux peuvent altérer les ondes cérébrales. Quelques décennies plus tard, Robert Monroe démontre que le cerveau entre aussi en résonance avec les stimulations auditives. Mario Beauregard met alors au point un dispositif avec des sons isochrones – à intervalles de temps égaux. Le cerveau est tout d’abord exposé à des ondes qui correspondent à son niveau d’activité, puis il est entraîné vers des ondes lentes. « Il se produit comme un élargissement des frontières de l’identité, du petit moi, qui laisse place à l’émergence du soi conscient – le « higher self ». Cette partie n’est pas limitée dans l’espace et le temps et semble avoir accès à des informations très surprenantes », avance le chercheur. Il pointe alors que ces états pourraient avoir une utilité thérapeutique importante. Il fonde une approche : la Connexion Intérieure. La pratique clinique semble indiquer que la combinaison d’un accompagnement thérapeutique avec l’induction d’états élargis de conscience, permet de dénouer les traumas plus facilement. D’autre part, cet élargissement favoriserait aussi ce qui est communément appelé « le développement personnel ». En effet, vivre une expérience d’expansion de conscience produit souvent chez tout un chacun un accès à des informations pertinentes et possiblement déroutantes. « Certaines personnes ont par exemple eu l’impression d’entrer en contact avec des entités de lumière, la sensation de contacter des mémoires de vies antérieures, d’autres ont compris le sens de leur maladie – ce qui a parfois par la suite provoqué des rémissions surprenantes et objectivables grâce à leur dossier médical », assure le chercheur. Le son peut-il nous faire voyager dans notre intériorité et dans les dimensions invisibles de notre réalité ?
Cartographie de la conscience.
« Le travail de Robert Monroe a permis d’étalonner différents niveaux de conscience afin d’établir une cartographie qui part de la conscience ordinaire et va vers des niveaux de conscience très élevés », signale Dominique Lussan, présidente fondatrice de Harmonic vision, centre de recherche et de développement sur les états de la conscience et la création de valeur globale. En 1956, Robert Monroe, homme d’affaires fortuné et ingénieur du son, crée dans son entreprise un département de recherche sur les effets du son. Une nuit, il se réveille... collé au plafond de sa chambre en train de regarder son propre corps. Il fonde l’institut Monroe, dédié à l’exploration de la conscience humaine. En 1973, l’école de médecine de New York met en évidence le « battement binaural » : lorsqu’un son est envoyé dans une oreille et un autre dans l’autre oreille, le cerveau émet une fréquence spécifique et génère une synchronisation des 2 hémisphères cérébraux. Robert Monroe sélectionne certaines combinaisons sonores qui vont créer des ondes cérébrales spécifiques. La technique Hemi-sync et ses 49 « focus », ou niveaux de conscience, est née. « Le focus 1, c’est la conscience ordinaire. Le 10 s’appelle “corps endormi esprit éveillé”, au 12ème nous commençons à avoir une expansion de conscience. La sortie hors corps commence à peu près à ce moment-là. Au focus 15, nous sommes au-delà du temps. Aux focus 24 et 25 nous avons des perceptions de l’inconscient collectif ou des archétypes et ainsi de suite. »
La méthode Monroe propose ainsi des voyages sonores à travers les différents focus, encadrés par 4 outils de base qui sécurisent les expériences de chacun. Mouvements spontanés ou sensations particulières dans le corps, accès à des informations surprenantes et pourtant vérifiables, visions trans personnelles ou prémonitoires, rencontres avec d’autres dimensions de son être… Lors d’un stage, Catherine rencontre en « voyage », son ancien professeur de yoga décédé. « Il lui annonce des choses qu’elle ne pouvait pas soupçonner et qui se sont réalisées par la suite. Avant de repartir, il lui donne un énorme bouquet de roses rouges », indique Dominique Lussan. Catherine se visualise alors en train de donner des roses à tous les membres du stage, ainsi qu’à sa famille. Au moment du débriefing, une personne du groupe raconte que, dans sa vision, Catherine lui a donné un énorme bouquet de roses rouges. Quelques jours plus tard, Catherine rend visite à sa mère. Celle-ci lui raconte qu’à l’heure où Catherine a eu sa vision, elle-même avait été frappée de voir, chez des amis, un énorme bouquet de roses rouges. « Une autre fois, une femme qui ne se savait pas enceinte reçoit la visite d’une présence qui lui annonce qu’elle va être mère. Elle découvre à la suite du stage qu’elle attend un enfant. J’ai vu tellement d’histoires improbables, de véritables compréhensions libératrices, des personnes qui touchent.
Une puissante dimension d’être qui sera fondatrice d’un nouveau chemin. Pour citer Robert Monroe : "Nous sommes bien plus que notre corps physique ”, complète Dominique Lussan.
Contacter l’invisible.
« Il ne faut pas oublier que cela ressemble beaucoup à ce que font les chamanes depuis la nuit des temps. Leurs tambours influencent nos fréquences cérébrales », rappelle Mario Beauregard. Sommes-nous en train de redécouvrir ce que les anciens pratiquent depuis toujours ? Chanter, taper des mains, frapper avec un bâton sur un support, ont certainement été les premiers médias sonores utilisés par l’humanité. Ainsi, les hommes-médecines nous disent que certaines vibrations rythmées participent à leur rencontre avec des êtres invisibles. « Avec le tambour, il y a comme une accumulation énergétique et la création d’une information vibratoire qui va permettre à un moment une ouverture de la conscience, un basculement vers un monde onirique. Pour certaines traditions, ce monde est aussi réel que le nôtre », détaille Alain Désir. « En jouant sur le son rythmé, les traditions informent que le chemin se fait en plusieurs étapes », explique Jean-François de La Chaise. D’abord il s’agirait de se prendre une sorte de douche sonore pour se nettoyer, s’harmoniser et élever notre propre vibration. Il est dit que les fréquences du monde invisible sont plus élevées que les nôtres.
Ainsi le pratiquant fait un pas vers ce monde en s’accordant à sa fréquence. Dans un 2e temps, il appelle les entités invisibles à venir vers lui. « La base, c’est que les tambours parlent. Ils servent à converser entre les hommes, mais aussi entre les hommes et les esprits de la nature ou du monde des morts. Ainsi ils les invoquent avec le langage du son », poursuit le percussionniste. Pour certaines traditions, comme notamment la religion de l’umbanda afro-brésilien, des rythmes très spécifiques correspondraient à chaque oricha – à chaque esprit. Tout le travail du babalao (du médium) serait ensuite d’identifier les visiteurs et d’établir des ponts avec eux. Dialogue avec des entités invisibles. Dialogue avec des dieux ?
« L’hindouisme, ainsi que toutes les cultures anciennes, a appris à discerner les forces de la nature. Elles sont devenues des dieux ou des déesses. Nous avons élaboré des musiques particulières pour chacun. Lorsque ces musiques sont jouées, elles permettent de s’accorder avec cette force spécifique », énonce Roop Verma. Un 3e temps, plus chamanique, semble aussi envisageable. Au travers d’un état de transe induit par le tambour, l’homme médecine part lui-même vers le monde invisible. « Avec les tambours chamaniques, c’est le chamane qui va chercher l’esprit. Là aussi, il y a encore des variantes. Car le chamane n’emporte personne avec lui, alors qu’en Afrique ou au Brésil, les cérémonies visent à emmener vraiment tout le monde en état de transe, afin que tous fassent le voyage », renseigne Jean- François de La Chaise. Un rythme fondamental semble faire pulser la vie et nous pourrions nous joindre à son jeu. Le son, dans toute sa splendeur oscillatoire, serait un outil de choix pour nous soigner et nous faire grandir.
Source : Miriam GABLIER
Magasine INEXPLORE n° 28 octobre-décembre 2015
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