L'apparent dépouillement symbolique de ce portail contraste avec les richesses rencontrées précédemment. Depuis le départ de notre cheminement au portail sud, les imagiers nous avaient considérablement nourris d'enseignements. Une fois passée la mort initiatique du portail central, les leçons s'avèrent plus discrètes. Ceci n'est qu'une apparence... Pour nous amener à ce stade de la quête, il était nécessaire de recommencer tout notre "catéchisme initiatique", d'où la profusion d'enseignements remettant en cause nos acquis et concepts antérieurs
A ce stade du chemin, il faut maintenant faire progresser notre nouvelle naissance pour permettre à notre "nouvel homme" de pénétrer enfin dans le temple, dans la cathédrale. Cette nouvelle naissance est bien entendu représentée par la scène de la Nativité qui figure au tympan de ce portail.
La Nativité, puis la reconnaissance par les mages, c'est-à-dire par des initiés qui reconnaissent en nous le réveil du "germe divin", est la scène qui nous intéresse ici. Les trois mages sont de races différentes : une noire, une blanche et une rouge. Les alchimistes reconnaîtront ici les trois phases de l'œuvre. L'homme s'est dépouillé et ainsi, nouveau-né, il est salué une dernière fois par le passage qu'il vient de faire avant la poursuite de sa quête.
Une fois cette reconnaissance accomplie, il nous faut fuir le monde. Ce retrait est symbolisé par la "fuite en Égypte". Si nous ne fuyons pas, nous risquons d'être "tués par les soldats d'Hérode", c'est-à-dire que notre nouvel homme sera anéanti et il nous faudra tout recommencer. Ce passage de la fuite en Égypte est capital dans l'histoire sainte. Marie, Jésus et Joseph fuient le massacre des innocents à dos d'ânesse. Pour le christianisme, l'âne reste le symbole même de l'humilité. Il est toujours au service de l'homme. De plus, il écoute, car il a de longues oreilles... Transmutons cette lecture de l’Écriture sur le plan individuel. Cette "fuite" nous oblige à reprendre la lecture de l'Ancien Testament à un autre niveau que celui de nos compréhensions antérieures.
Fort de tout ce que nous avons retenu depuis le commencement du chemin symbolique de la cathédrale, cette lecture ne peut plus s'accomplir du tout de la même manière. Nous comprenons maintenant que Noé, c'est nous ; Abraham, c'est également nous ; Jacob, Joseph, Moïse... c'est encore nous ! Ainsi d’Égypte, il nous faudra repasser la mer Rouge de nos eaux inférieures afin d'accéder de nouveau à la Terre promise, l'Israël divin où s'ouvriront les portes de la Jérusalem céleste. Le retrait sur soi après toute nouvelle connaissance est nécessaire. C'est un cap d'inactivité extérieure, de maturation intérieure. La fuite est également synonyme de silence, silence interne, silence des sens pour que la Parole puisse mieux s'incruster en nous.
Suite : la deuxième partie consacrée à ce portail.
Sur ce site (concernant la cathédrale de Strasbourg) :
Bibliographie
L'architecture de l'invisible Georges PRAT
Mater Nostra Georges PRAT – Constant SCHOHN
Le chemin de lumière Jean Jacques Meyfroid Ed Coprur
Photos : Michel FERNBACH