La fresque historique de la façade nord est dévolue à l’aspect « volatil tel qu’il est déjà pressenti au bas du portail des Vices et vertus (lien : page Vice et Vertus-bonus). La licorne médiévale symbolise la puissance ainsi que le faste et la pureté. L’alchimie y voit un symbole du développement personnel évoqué par C.G. Jung.
Il est à noter que les signes alchimiques sont bien plus discrets sur la cathédrale de Strasbourg qu'à Notre-Dame de Paris, comme nous le montre Patrick Burensteinas, dans une courte vidéo
Selon CG Jung et de façon très simplifiée, la corne de la licorne peut se « colorer » en trois zones principales du noir au rouge en passant par le blanc et le jaune.
Tout élément pouvait se transformer en un autre car, du fait de leur commune origine, leur différence n'était qu'une diversification de l'unité. Pour réaliser cette transformation, il suffisait de posséder l'outil de la transmutation : la pierre philosophale.
La nigredo, ou noirceur, ou Œuvre au noir, représente le premier stade du processus. Elle n'a pas de qualité unique et peut-être, pour le philosophe alchimiste, l'état initial de la materia prima (matière primordiale). Cette décomposition est suivie par une recomposition consistant en une union des deux polarités féminine et masculine. On pourrait croire le processus terminé mais cette phase est elle-même suivie par la dissolution, la mort du produit de l'union, et une nouvelle nigredo. Tout ici consiste en morts et résurrections !
L'albedo ou teinture blanche ou pierre blanche ou passage au blanc est le second stade. "L'âme (anima) libérée par la mort est à nouveau unie au corps mort et détermine sa résurrection où, enfin, l'ensemble des couleurs conduit à une couleur unique, le blanc qui contient toutes les couleurs. " Ce stade du processus représente déjà, pour beaucoup d'alchimistes, un aboutissement. Il est symbolisé par l'argent, ou la lune, et Jung le compare à l'aube précédant le lever du soleil (aurora consurgence).
La transition vers le stade ultime, la rubedo, ou Œuvre au rouge se fait par la citrinitas (passage au jaune) associée au soleil et à l'illumination. Après la suppression de cette étape, la rubedo suit directement l'albedo.
À ce stade, le rouge et le blanc, le soleil masculin et la lune féminine, peuvent, au moment où le feu atteint son acmé, (réalisation du « grand œuvre » : Filius Philosophorum) célébrer leurs noces chymiques (Mysterium Conjonctionis)
Ce processus est loin d'être linéaire à l’image du symbole yin-yang qui croît et décroît de manière non linéaire. De plus, dans une zone yin par exemple, se trouve un point yang et vice et versa, ce qui est à l’origine de la dynamique des métamorphoses successives. Ces incessantes putréfactions, ablutions, morts et résurrections de la matière et ces métamorphoses ont pour conséquences des variations de l'état du psychisme de l'opérateur. Ce travail alchimique destiné à faire de " l’or intérieur " correspond parfaitement au "processus d’individuation" au sens de Jung.
Sur ce site : le tao te king
La licorne symbolise avec sa corne unique au milieu du front la révélation divine, la pénétration du divin dans la créature. Cette corne unique à l’emplacement du troisième œil (pour l’humain) peut symboliser une étape sur la voie de la différentiation : de la création biologique au développement psychique et à la sublimation de l’éros (énergie primordiale)
La licorne figure dans maintes planches de traités alchimiques. Cette bête fabuleuse d'origine orientale, liée au troisième œil et à l'accès au Nirvana, au retour au centre et à l'Unité, était toute destinée à désigner aux hermétistes occidentaux le chemin vers l'or philosophal — vers la transmutation intérieure qui s'effectue lorsque l'androgyne primordial est reconstitué. En Chine, le nom de la licorne, Ki lin, signifie yin-yang.
SOURCES
C.G. Jung : Psychologie et alchimie.
J Chevalier – A Gheerbarant : Dictionnaire des symboles.
Grand merci à Nathalie R. pour sa relecture et les précisions apportées.