La sobriété numérique vise un usage raisonnable parce que raisonné du numérique au quotidien, et une conception plus sobre des services numériques.
De nombreuses personnes travaillent déjà à mettre en place des solutions concrètes pour faire de la sobriété numérique non plus une posture « marginale », mais une posture « standard ».
Trois points à retenir
1. En France, la fabrication des équipements représente environ 80 % des impacts. La production de l'électricité induit les 20 % restants. Cette production est fortement nucléarisée et entraîne une très grande consommation d'eau douce, notamment l'eau dite « perdue » par évaporation dans les tours de refroidissement des centrales.
2. Autres problèmes que l'on ne peut plus ignorer aujourd'hui : la fin de vie de nos appareils et la manière dont ils sont collectés et recyclés, qui portent atteinte à l'environnement. À l'échelle mondiale, seulement 17 % de nos déchets électroniques sont correctement traités. Or la quantité de nos déchets numériques a augmenté de plus de 21 % ces dernières années. En 2019, les chiffres atteignaient plus de 53 millions de tonnes au niveau mondial.
3. La question du recyclage illégal qui se pratique surtout en Afrique et en Asie est devenue incontournable, sur le plan environnemental. Concrètement, 70 % des déchets numériques font l'objet de trafics, ce qui signifie qu'une partie considérable des métaux lourds contenus dans nos objets connectés finissent dans des sols de décharge à ciel ouvert...
Notre avenir va nous demander d'être ouverts et ingénieux, en mariant low et high-tech,
et en dépassant un mode de pensée binaire.
S'équiper différemment.
Petit rappel : l'appareil le moins polluant est celui qu'on ne fabrique pas.
La sobriété numérique repose sur deux notions fondamentales : une fabrication moindre et un usage plus durable. Nous devons, d'une part, éviter de nous suréquiper et mutualiser nos équipements. Et d'autre part, pour faire en sorte que nos appareils durent plus longtemps, nous devons opter pour le réemploi. Le reconditionnement est la clé : quand un appareil ne fonctionne pas, nous pouvons le rapporter chez un spécialiste du reconditionnement et devenir un acteur engagé de la sobriété numérique. Lorsque nous préférons des objets neufs à ceux reconditionnés, nous sommes les premiers leviers de l'obsolescence programmée.
Réduire son empreinte numérique ?
L'enjeu est de ne pas déclencher l'obsolescence des terminaux, du réseau et des centres informatiques. Nous n'avons pas le choix, il nous faut désapprendre certains de nos mésusages numériques. En commençant par éteindre dès que possible nos box (modem et boîtiers télé), après tout, nous le faisons bien avec la lumière ! Elles consomment nettement moins d'électricité lorsqu'on les utilise seulement quand c'est utile. Il existe de nombreuses astuces : par exemple une multiprise à interrupteur que le dernier à aller se coucher éteint.
L'autre défi est de réduire la quantité de données dans les tuyaux. Il s'agit de se réapproprier l'outil numérique en changeant notre façon de l'aborder. L'idée n'est pas de s'interdire les services en ligne, mais de les utiliser quand ils sont indispensables. Par exemple, préparer son déplacement en amont plutôt qu'utiliser Google Maps; ou télécharger un film avant son voyage en train plutôt que de le visionner en 5G. Réduire la quantité de données stockées doit devenir un réflexe, comme supprimer les vidéos, trier ses photos, désinstaller des applis que vous n'utilisez pas...
Un mariage entre low et high-tech.
Cette quête de sobriété numérique heureuse ne consiste pas à se transformer en décroissant technophobe ni à se contenter d'être un geek technophile. Notre avenir va nous demander d'être ouverts et ingénieux, en mariant low et high-tech, et en dépassant un mode de pensée binaire. La démarche consiste à apporter une vision équilibrée, que nous appelons la slow tech. À faire dialoguer décroissance et start-up nation. L'idée principale est d'utiliser le numérique uniquement lorsque c'est nécessaire et en complément d'autres moyens pour économiser cette ressource critique, et sans s'intoxiquer. Avec toujours en tête une dimension humaine ; la bienveillance, l'éthique, l'inclusion, le respect de la vie privée... •
Source :
Inexploré n° 53 janvier – mars 2022
Selon Frédéric Bordage, expert indépendant de la sobriété numérique