Baruch Spinoza était un penseur révolutionnaire qui a rejoint les grandes sagesses de l’humanité telles l’hindouisme ou le bouddhisme, alors qu’il ne les connaissait pas. Pour lui, l’univers tout entier est divin et le bonheur consisterait à s’accorder avec notre nature la plus profonde.
Il naît le 24 novembre 1632 dans les Provinces-Unies des Pays-Bas. une république florissante. Il est éduqué à la synagogue mais est également marqué par l’enseignement d’un chrétien, Franciscus Van den Enden, qui prône la liberté d’expression, l’éducation pour tous et l’idéal démocratique. À la suite de son excommunication, à laquelle il répond en assumant calmement ses idées, Spinoza quitte son quartier, pour finalement s’installer à la campagne.
Il est assez fréquent qu’un philosophe finisse sa vie par un procès. Cependant, il est nettement plus rare qu’il la commence par une excommunication . À l’âge de 23 ans, en juillet 1656, Spinoza est banni de la communauté juive d’Amsterdam. « Nous excluons, chassons, maudissons et exécrons Baruch de Spinoza » , déclare le conseil des anciens. Le jeune homme était-il indiscipliné, voire hargneux ? Non, de l’avis de tous, Spinoza était un élève studieux au tempérament modéré et dont les prouesses intellectuelles auraient fait penser au grand rabbin qu’il avait peut-être trouvé son successeur.
Le penseur.
Ce n’est pas le comportement de cet homme qui dérangeait. C’est la puissance de sa pensée. Sa lecture critique de la Bible, des religions et sa vision démocratique ont annoncé les révolutions politiques et sociales à venir. Son idée de Dieu comme étant la substance de toute chose, engendra la création du concept de « panthéisme », influença le romantisme, et ainsi, l’écologie. Sa conception de la liberté, comme prise de conscience de nos conditionnements, préfigura l’engouement pour l’existentialisme et la psychologie. Révolutionnaire presque malgré lui, par excès de lucidité, Spinoza est pourtant toujours resté bienveillant, maître de ses passions et prudent. Il fut aussi un grand philosophe du bonheur.Il est avant tout un sage qui cherche à changer notre regard afin de nous rendre libres et heureux, comme il le fut lui-même, Frédéric Lenoir in Le miracle de Spinoza).
Des propos hérétiques.
Spinoza parle et lit dix langues, dont l’hébreu, l’araméen, le grec et le latin. Outillé pour analyser les textes anciens, il commence par dénoncer la valeur historique et prophétique de certains passages de la Bible. Il souligne, par exemple, que l’Ancien Testament ne peut avoir été écrit par Moïse – ce qui sera attesté par la suite – et que la valeur « divine » de certaines déclarations est relative : les prophètes restent des êtres humains susceptibles de déformer les paroles de Dieu. Il convient donc pour lui, de remettre ces textes dans leur contexte, où ils ont joué un rôle politique.
Cette attitude a été utilisée par le journaliste et écrivain portugais José António Afonso Rodrigues dos Santos pour écrire son roman L'ultime secret du Chist.
Sa philosophie.
Ce que Spinoza dénonce sont les mécanismes de superstition et de manipulation sur lesquels il voit les religions se fonder. Le philosophe se déclare même surpris de constater que, parfois, les hommes « combattent pour leur servitude, comme s’il s’agissait de leur salut », écrit-il dans son Traité théologico-politique.
Spinoza critique avec la même force toutes les religions lorsqu’elles activent les passions tristes des individus, notamment la peur, pour mieux les asservir ; lorsqu’elles se détournent de leur unique vocation – favoriser le développement de la justice et de la charité par le biais de la foi – pour distiller la haine de l’autre et l’intolérance. (Frédéric Lenoir).
La conception spinoziste du désir et de l'affectivité constitue une rupture profonde avec la tradition philosophique et religieuse classique. De manière traditionnelle, on ne pousse l'affectivité à la raison et à la volonté, celle-ci ayant pour mission de dompter nos affects. Spinoza nous montre qu'il n'en est rien et que nos affects ne constituent pas un mal qu'il s'agirait d'endiguer.
Il remplace la dualité raison/affectivité par la dualité activité/passivité. La passivité est un état où nous sommes, mus par des causes extérieures et des idées inadéquates. Dans le premier cas nous subissons (d'où le mot « passion », du grec pathos), car notre affectivité subit une influence extérieure dont nous n'avons pas conscience où dont nous avons une conscience partielle ou erronée.
Dans le second, nous agissons, car nos affects proviennent de notre nature et sont éclairés par une juste connaissance de leurs causes.
C'est pourquoi la passion produit des joies passives et l'action des joies actives. Ce qui constitue un mal n'est donc pas l'affectivité ou le désir, mais la passivité dans l'affectivité ou le désir. Il s'agit alors de convertir cette passivité en activité par l'usage de la raison et des sentiments. Il s'agit de convertir nos passions -liées à notre imaginaire et à des idées partielles, tronquées inadéquates - en actions, c'est-à-dire en affects liés à des idées adéquates. Ainsi, nous ne subissons plus notre affectivité, nous l’instaurons, nous réorientons consciemment nos désirs vers ce qui est le plus conforme à notre nature, vers les choses ou les êtres qui nous font grandir, nous mettent dans une joie véritable et durable. L'être humain est fondamentalement un être de désir. Tout désir est la poursuite de la joie, c'est-à-dire une augmentation de notre puissance vitale. La tristesse, à l'inverse, exprime une diminution de notre puissance d'être, car elle vient d'une mauvaise rencontre, qui s'accorde mal avec notre nature, ou d'une passion, donc d'un désir mal orienté, mal éclairé, influencée par une cause extérieure qui nous échappe.
COMPLÉMENT (du 10 septembre 2024)
Je vous invite à écouter - lire le lien trouvé sur Facebook
Piste de lecture :
Jr. Dos Santos, Spinoza, l'homme qui a tué Dieu. Ed Hervé Chopin.
Sources :
Miriam GABLIER : INEXPLORE n° 37, déc 2017
Frédéric LENOIR : Le miracle Spinoza
Wikipédia