Le « Mur païen » sur le Mont Sainte-Odile, situé en bordure du massif vosgien, n’a cessé d’interroger par son caractère singulier, tenant à la fois à ses plus de 10 kilomètres de long et à son mode de construction en gros blocs de grès, maintenus par des tenons en bois à double queue d’aronde.
Le terme "mur païen" est dû au pape alsacien Léon IX. * Païen signifiant ici avant l'ère chrétienne
C’est un mur cyclopéen qui entoure une surface de 118 ha. Il comporte trois zones (et non 4) avec 5 portes : 3 sur le mur extérieur et de sur les murs intérieurs. 2 sources à l’intérieur et 2 à proximité.
Concernant le quatrième zone non entourée (au nord) Adalric aurait arrêté les travaux (problèmes de finances) et aurait légué le site à sa fille qui n’y a pas vu d’intérêt. Selon Raphaël Heyer, un passionné de Rosheim, le mur païen est un « ouvrage incomplet, dont la construction a été interrompue subitement, alors que les trois quarts avaient été érigés.
* Saint Léon IX, né Bruno d'Eguisheim-Dagsbourg le 21 juin 1002 dans un lieu inconnu du comté de Dabo ou de celui d'Eguisheim qui fait toujours débat, est pape de l'Église catholique romaine du 12 février 1049 jusqu'à sa mort, le 19 avril 1054 à Rome. Issu de la noblesse alsacienne, il est d'abord évêque de Toul puis élu pape, en décembre 1048, puis intronisé le 12 février 1049 sous l'influence de l'empereur Henri III. Grand voyageur, il œuvra activement pour la paix. (source : Wikipédia)
Le mode de construction de ce mur est étrange. Il ne ressemble en rien aux techniques gauloises employant des pierres et poutres entrelacées, ni aux techniques romaines. Cette muraille ici est composée d'énormes dalles ou blocs, mal équarris, joints entre eux par des tenons en bois de chêne, taillés à leurs deux extrémités en forme de queue d'aronde, ces tenons s'emboîtant parfaitement dans des entailles creusées dans les blocs de grès. Nulle trace de mortier ou de ciment, les interstices semblent tout simplement avoir été remplies par de petites pierres ou de la terre. Tenon – mortaise est un assemblage connu du monde gréco-romain mais pas utilisé au moment de son édification 675 – 681 selon des datations dendrochronologiques effectuées sur des tenons en bois collectés fin du XIX° siècle, restés emballés dans du papier de soie datés et enfermés dans une boîte « oubliée » et restituée au musée archéologique par suite d’une succession.
Plan du site :
légende du plan :
1 - Rochers excavés ayant servi de carrière de pierres. 2 - Carrière en dehors du mur. 3 - Porte provisoire murée. 4 - Porte Koeberlé. 5 - Carrières avec pierres à cupules et entailles. 6 - Mur transversal Nord fortement endommagé. 7 - Carrière. 8 - Accès passant sous le mur et ouvrant sur un poste d'observation. En même temps une faille naturelle servant de poterne. 9 - Carrière avec pierres à cupules et rochers entaillés. 10 - Rocher entaillé situé en dehors du mur. 11 - En plein bois, rocher portant des entailles de coins que Forrer suppose d'origine romaine. 12 - Rocher entaillé. 13 - Mur transversal sud. 14 - Tombes. 15 - Carrière avec traces de constructions. 16 - Porte de Barr dégagée par M. Zumstein. 17 - Carrière. 18 - Grottes des Druides et rocher à entailles. 19 - Carrière avec blocs d'extraction presque dégagés. 20 - Citerne dite «Heidenbrunnen». 21 - Carrière avec pierre à cupules et rocher entaillé. 22 - Carrière avec pierre à cupules et rocher entaillé. 23 - Carrière. 24 - Citerne dite «Wildsaulache». 25 - Canapefels, roche à cupule avec à proximité immédiate carrière de pierre. 26 - Roche plate avec cupule. 27 - Carrières avec roche à cupule. 28 - Fontaine Saint-Jean. 29 - Fossé artificiel creusé afin de permettre la défense du rocher terminal. 30 - Forrer signale ici deux portes d'accès au plateau terminal. Ceux-ci furent détruits lors de la construction de la nouvelle route d'accès. Seuls subsistent quelques traces du mur de l'enceinte du rocher terminal. 31 - Cercle mégalithique sur la «Grossmatt». 32 - Source Sainte-Odile. 33 - Carrière. 34 - Cercle mégalithique sur la «Grossmatt». 35 - Entrée de la route romaine dans l'enceinte du mur païen. 36 - Rocher du duc Ettichon avec grotte. 37 - Avancée rocheuse, probablement poste d'observation. 38 - Porte de sortie dégagée par M. Zumstein. 39 - Le Hexenplatz. Rochers avec cupules naturelles, nombreuses roches à entailles. Forrer suppose que ce plateau devait être rattaché au mur païen, mais que les travaux ne furent jamais entrepris.
Il y a un tumulus sur le plateau (zone de la Bloss) ayant contenu un enfant (habit brodé de fils d’or) et une femme entourée d’objets de valeur (bague, ceinture, collier, bol en verre) le tout daté de la fin du 7°s.
Des fouilles ont été effectuées :
- au 19° par R. Forrer et F. VOULOT
- années 1960 par H. Zumstein
- 1994 – 95 par S. Fichtl
- 2004 J. Koch pour la porte d’Ottrott.
Il s’agit-il d’une construction de l’époque mérovingienne, par le duc Adalric, le père de Odile ? Adalric, représentant du roi mérovingien, est un noble très puissant et riche qui est peut-être à l’origine du couvent bâtit sur un éperon rocheux et qui a peut-être été au départ un lieu fortifié. Des réfections ont été menées côté ouest depuis Stollberg vers Grossmatt.
Hypothèse : le mur païen serait un mur de prestige, un édifice ostentatoire pour narguer l’évêque de Strasbourg. A l’époque il n’y avait pas d’arbre sur le site et donc on pouvait voir le mur depuis Strasbourg, par temps clair. Le site est occupé depuis le néolithique puis une occupation principale au 4° siècle puis abandon. Des céramiques attestent une occupation vers le milieu du 7° siècle.
Quels ont été les maîtres d’œuvre de cet édifice gigantesque ; dans quel but a-t-on fait travailler pendant des années ?
Je m’interroge devant cette carrière bien avancée avec ses incisions verticales. Les pierres n’attendaient plus que les encoches horizontales destinées à accueillir des coins en bois très sec qui après humification pouvait fendre la pierre selon le tracé horizontal prévu par les ouvriers. Combien étaient-ils ? Le chantier semble avancer plus vite que prévu puisque la carrière n'a pas été totalement exploitée.
Personne ne connaît vraiment la réponse.
D'aucuns ont imaginé que le mur païen était un mur de protection, mais personne n’a jamais trouvé la moindre trace d'armes aux environs du mur.
Selon Landsburg, « le mur païen ceignait le plateau du Mont Sainte-Odile où se trouve l'actuel couvent et où, jadis, gisait un temple mégalithique. Si l'on suppose qu'il y avait un autre mur en pierres ou en bois sur le plateau et un temple circulaire dans la cour du couvent, on peut voir dans l’architecture antique du Mont Saint-Odile la reproduction des trois cromlechs concentriques, symboles des trois mondes de la cosmogonie celtique ».
Une énigme de plus :
le Wachstein, légèrement en dehors de l'enceinte. Il semble que ceux qui ont construit le mur aient voulu se servir de ce colosse de pierre comme d'un poste d'observation ou bien avait-il encore une autre fonction dans la mesure où il est entouré par un muret de pierres comportant également les fameuses queues d’aronde.
En allemand :
Wache(n) = la sentinelle ou veiller.
Stein = pierre.
Une autre énigme encore :
pourquoi avoir également doté les pierres qui séparent les zones intérieures avec ce même système de queue d'aronde ?
Il s'inscrit parfaitement avec celui du "mur d'enceinte" avec une pierre dotée de queues d'aronde en enfilade mais aussi perpendiculairement afin "d'unir" tout l'ensemble., idem pour les portes
Voir le plan ci-dessus : n°6 et 13, n°16 et 30 (par exemple)
Toutes les photos sont extraites de mes collections.
SOURCES :
- Les chemins de l’insolite Guy TRENDEL ed COPRUR 1984
- Mur païen du Mont Sainte-Odile (Bas-Rhin) LANDSPURG
- Histoire de l'Alsace. PH Dollinger ED Privat 1970
- Histoire de l’Alsace Philippe DOLLINGER, Jean Jacques HATT, F RAPP ,Georges LIVET, Roland MARX, Fernand L’HUILLIER Ed PRIVAT 1970
- DNA 18.04.11 article de Raphaël Heyer, un passionné de Rosheim
- Châtelet et Baudoux 2016-MSO
- Histoire de l'Alsace. PH Dollinger, Ed Privat 1970.
- Vosges-Rando
- Alsace-Histoire
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